Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/356

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acculé à la faillite l’industriel et le commerçant. Avant que les choses aient repris un cours normal, il y en a pour des jours et pour des mois. Dans cette crise extraordinaire, imméritée, que la propriété contribue donc elle aussi aux sacrifices communs, qu’elle assume sa part des charges qui, si lourdement, pèsent et menacent de peser longtemps sur les épaules du producteur. Et la Commune décrétait : Remise générale aux locataires des termes d’octobre 70, janvier et avril 71 ; imputation des sommes payées par les locataires durant ces neuf mois sur les termes à venir ; résiliation des baux à la volonté des locataires pendant une durée de six mois.

Pour les échéances, l’Assemblée nationale avait dit : Périsse le commerce parisien ; mais que le code du commerce soit sauf, surtout que les loups-cerviers de la haute finance ne soient pas frustrés des profits qu’ils escomptent au bout de l’amoncellement de catastrophes que nous leur préparons, et l’Assemblée avait promulgué une loi qui, de l’aveu même d’un de ses membres, réacteur entre les réacteurs, un certain Martial Delpit, qui rapporta plus tard officiellement dans l’enquête sur les causes de l’insurrection du 18 mars, « plaçait une grande partie du commerce de Paris en présence d’une faillite inévitable, c’est-à-dire de la ruine et du déshonneur ». La Commune ne devait aboutir que le 18 avril à une décision définitive et équitable sur la question ; mais, dès le 1er avril, elle répondait aux ruraux, en indiquant qu’elle tenait leur loi pour nulle et non avenue, qu’une solution conciliatrice de tous les intérêts était à chercher et qu’elle en appelait dans ce but aux avis motivés des groupements qui, seuls, avaient qualité pour juger : Sociétés ouvrières, Chambres syndicales du Commerce et de l’Industrie.

Pour la garde nationale, l’Assemblée nationale, sans souffler mot, mais par ses actes, son Coup d’État manqué, avait signifié que la grande milice populaire, dans son dessein, avait vécu, qu’elle devait se dissoudre de son gré ou qu’elle serait dissoute par la force et que peu lui importait les misérables « Trente sous », leurs femmes et leurs enfants ; que la solde serait supprimée et que les travailleurs crèveraient comme des mouches, en attendant qu’ils retrouvent de l’embauche, s’ils en trouvaient, et que cela lui était indifférent. La Commune répondait : Abolition de la conscription ; la garde nationale seule force militaire à l’intérieur de Paris ; tous les citoyens valides dans la garde nationale ; et elle maintenait la solde au taux du siège aussi longtemps que sévirait le chômage, que ne se seraient pas radicalement améliorées les conditions économiques générales.

Pour les monts-de-piété, l’Assemblée nationale n’avait rien dit non plus. Qu’eut-elle dit ? Ce n’était pas sur sa clientèle que s’exerçait l’infâme spéculation odieuse en tout temps, plus odieuse encore en ces temps de chômage permanent où tout objet engagé par la famille ouvrière, glissant chaque jour davantage au dénuement et à la détresse, était par avance un objet perdu. L’Assemblée n’avait, pour demeurer fidèle à ses principes, qu’à laisser fonctionner la triste