Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/160

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des ministres. Réunies en Congrès, elles statuaient sur les mesures à prendre. Enfin, durant les sept années, le maréchal-président avait seul le droit de proposer la révision des lois constitutionnelles.

Le véritable inspirateur de cette paraphrase compliquée du septennal était le duc de Broglie ; elle ne fit pas grand honneur à sa réputation d’homme d’État ; elle était fort usurpée du reste. Faite d’impertinence aristocratique, de morgue et d’indécision, elle manquait de largeur de vues et de volonté.

Au moment où la bataille constitutionnelle allait s’engager survenait une crise ministérielle : crise de détail, elle commençait par la retraite piteuse du ministre des finances, M. Magne, cher aux bonapartistes qui prônaient sa compétence financière et qui se fît battre lamentablement, à une majorité de 156 voix, sur son projet d’aggraver d’un demi décime additionnel la majeure partie des impôts indirects. L’Assemblée recula devant une mesure qui n’aurait pu qu’accroître son impopularité déjà si grande. Il fut remplacé par M. Matthieu-Bodet. Enfin, M. de Fourtou dut résigner le portefeuille de l’intérieur devant l’évidence de sa complicité avec les conspirateurs bonapartistes dont l’audace ne connaissait plus de bornes, dont la propagande devenait dangereuse et dont les agents avaient pu se faufiler jusque dans les appartements du maréchal ! M. Léon Renault, préfet de police, sur leurs agissements, avait fourni les preuves les plus irréfutables. Le 18 février il était démissionnaire, et le lendemain il avait comme successeur le général de Chabaud-Latour, dont la compétence était peut-être militaire mais sûrement pas politique. Ainsi « replâtré », le cabinet s’engagea dans la lutte constitutionnelle.

Il importait tout d’abord de faire échec à la proposition Casimir-Perier qui, quoique repoussée par la Commission, inquiétait, en raison de sa modération et un caractère de son auteur, fils du célèbre ministre de la monarchie de juillet, d’un des adversaires les plus implacables et les plus hautains des idées républicaines ; orléaniste lui-même de la veille, mais que les épreuves subies par la France avaient rallié à la République, à la condition qu’elle fut nettement conservatrice.

Sous l’action du gouvernement, pratiquée par le général de Cissey, vice-président du Conseil, plus que sous celle du duc de Broglie qui l’attaqua dans un discours perfide, la proposition fut repoussée à une majorité de 41 voix.

Une proposition signée par plus de trois cents députés et déposée par M. de Malleville, député du centre gauche, fut également repoussée, mais, cette fois, à une majorité réduite à 29 voix ; elle constatait l’impossibilité de fixer la forme définitive du gouvernement, d’organiser les pouvoirs publics en raison de l’état de division des partis et elle proposait à l’Assemblée de décréter qu’il serait procédé dans toute la France, le 6 septembre suivant, à l’élection d’une nouvelle Assemblée qui se réunirait le 28 du même mois. L’Assemblée actuelle ne devait se séparer qu’après sa réunion. C’était, en réalité, une proposition de dissolution ; l’Assemblée ne pouvait s’y résigner. Tous les projets de