Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/243

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Parmi les socialistes qui s’étaient groupés en un seul parti à la suite du Congrès de Marseille, les divisions s’étaient introduites ; il serait trop long d’en retracer les origines, les causes, l’évolution ; elles devaient aboutir, en 1881 et en 1882, à des luttes très vives, puis à une rupture définitive qui devait se prolonger durant bien des années. C’est au Congrès de Saint-Étienne (1882) que cette rupture se produisit. Il en résulta deux fédérations de groupes : le Parti Ouvrier Socialiste, qui maintient intactes la doctrine et la tactique marxistes et la Fédération des travailleurs Socialistes de France qui reste naturellement collectiviste révolutionnaire, mais adopte une organisation plus souple, plus capable de s’adapter aux nécessités de la propagande et de l’action, telles que les différents milieux, les différentes régions du pays les dégagent.

En vue de contrebalancer les progrès du Parti Socialiste qui s’accusaient chaque jour, malgré les divisions et certaines erreurs de propagande, s’était constitué un groupement dont le programme politique était celui de l’Extrême-Gauche de la Chambre, mais qui avait été additionné de quelques articles empruntés au programme socialiste et de réformes intéressant la classe ouvrière au point de vue corporatif. L’Alliance Républicaine Socialiste était anticollectiviste, antirévolutionnaire ; elle se déclarait opposée au principe de la lutte des classes, mais elle admettait la nationalisation et la transformation en services publics de certaines industries, chemins de fer, canaux, mines. M. Clemenceau avait accepté cette transformation ; dans son retentissant discours de Marseille, ces idées il les avait déclarées souhaitables, possibles, nécessaires.

De nombreux combattants de la Révolution du 18 mars, d’anciens membres de la Commune revenus d’exil ou de la Nouvelle-Calédonie, avaient adhéré aux divers groupements politiques et se trouvaient dans les différents camps : il faut déclarer que la majorité de ceux qui avaient siégé à l’Hôtel de Ville ne vinrent pas au parti socialiste révolutionnaire et que, fréquemment par la plume et la parole, ils le combattaient avec une ardeur et une âpreté remarquables. C’est à les voir attachés à cette œuvre que l’on put comprendre à quelles causes réelles était due la défaite d’un des mouvements révolutionnaires qui avait provoqué un grand enthousiasme et eu à sa disposition des troupes exercées, entraînées par les nécessités militaires du Siège ; un outillage de guerre largement suffisant.

Sur les masses ouvrières, en vue de l’exécution de leur plan et de la lutte contre le socialisme, les conservateurs de droite, essayaient d’agir par l’organisation des cercles catholiques. M. de Mun s’était employé avec un grand zèle à cette lâche et il avait trouvé de précieuses collaborations tant dans le monde politique que dans le monde patronal et clérical ; grâce à cet appui, des organisations se fondèrent à Paris, à Lyon et dans de nombreux centres de province, mais les progrès un instant très vifs devinrent rapidement stationnaires ; l’em-