Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/27

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les réformes les plus importantes sont dues à l’initiative des communes les plus démocratiques. C’était donc une préoccupation de défense sociale qui dictait la loi municipale ; c’est encore elle qui dicte les résistances, même de ceux qui, après avoir revendiqué le plus ardemment les franchises municipales pour Paris, un allègement de l’étroite tutelle du pouvoir vis-à-vis des autres communes, restent sourds à leurs anciennes revendications depuis qu’ils ont conquis le pouvoir.

Le 23 juillet 1871 eurent lieu les élections municipales à Paris. Un mois à peine s’était écoulé depuis la rentrée furieuse des troupes régulières ; partout apparaissaient les traces poignantes de l’effroyable tragédie qui s’était déroulée. Le deuil, la terreur planaient. Les dénonciations poursuivaient leur œuvre de lâcheté et, chaque jour, des arrestations affirmaient que la soif de répression des vainqueurs n’était pas apaisée. Les professions de foi furent, en général, timides, la campagne électorale assez morne. Paris était affaissé, exsangue, après la farouche et large saignée, plus large que celle de juin 1848. Toutefois, les résultats furent moins mauvais qu’on aurait pu prévoir, avec les faubourgs ouvriers décimés et tenus sous la menace ouverte de la force publique ; sous la menace, moins apparente, mais plus impressionnante des légions policières enquêtant, espionnant, donnant quotidienne chasse aux survivants de la catastrophe de mai. De nombreux républicains, en majorité modérés, il est vrai, furent élus ; certains même d’opinions assez tranchées pour qu’à cette époque ils apparussent comme des « rouges » aux conservateurs, monarchistes ou républicains, encore sous l’impression de la peur éprouvée durant deux mois et demi : Jules Mottu, Ed. Lockroy, G. Clemenceau, Ranc, Jacques, etc…

Le chiffre des abstentions fut de près de 180.000 et combien d’électeurs n’avaient osé se faire inscrire ! Puis, dans les quartiers aristocratiques, nombreux étaient ceux qui n’avaient pas encore reparu, terré en province, attendant que Paris, complètement « pacifié », « épuré », leur offrit toutes garanties de tranquillité pour leur existence d’oisiveté et de plaisirs.

La tâche du nouveau conseil n’allait pas être aisée, puisque tout était à réorganiser ; particulièrement les finances mises à mal par l’haussmanisation sans contrôle de la cité, un gaspillage inouï, les frais de guerre, les indemnités nombreuses et la lourde contribution à régler. Dans ce Conseil, l’élément ouvrier n’était pas représenté ; ce n’est que plusieurs années après que, grâce à la propagande qui devait s’entreprendre, parmi des complications et des difficultés sans nombre, grâce à l’amnistie qui allait permettre aux militants proscrits de reprendre leur place de combat, le Parti Socialiste, enfin ressuscité, allait entamer la conquête du pouvoir politique, en commençant par la conquête de quelques sièges dans les assemblées communales.