Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/32

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garantie de la paix et de la liberté. Il ne voit pas encore en elle l’outil d’un allègement des misères économiques ; c’est que sous l’influence des crises favorisant la propagande socialiste que plus tard il comprendra quels avantages matériels il peut retirer d’une forme de gouvernement conquise par lui, le pays ouvrier industriel et géré par eux-mêmes à leur bénéfice, qui sera le bénéfice de tous.

Aussi ne faut-il marquer aucune surprise des élections qui, quelques semaines à peine après l’écrasement de la Commune, répondirent si nettement aux intrigues monarchistes et bonapartistes ; à l’abrogation des lois d’exil qui allait faire apprécier la valeur de la parole jurée des princes d’Orléans et leur permettre de se mêler à toutes les manœuvres ourdies en vue d’une restauration et de la consolidation de la puissance cléricale ultramontaine.

Par suite de démissions ou d’options, il y avait lieu de pourvoir au remplacement de 111 députés ; M. Thiers avait été élu dans vingt-cinq départements : il avait opté pour la Seine, certainement pour démontrer à Paris quelle intense affection il lui avait vouée. Ces sièges ressortissaient à quarante-six départements. Le 2 juillet 1871, les collèges électoraux convoqués se rendirent au scrutin. La campagne électorale avait été d’une activité extraordinaire. Les partis en présence s’étaient choqués avec une violence inouïe ; la candidature officielle s’était épanouie dans les conditions les plus scandaleuses.

Les résultats, longs à connaître avec le scrutin de liste, étaient attendus avec impatience, déjà escomptés par les conservateurs qui fondaient sur eux tous leurs espoirs. Ils furent une manifestation républicaine éclatante, certainement modérée, mais ils permettaient d’attendre avec plus de sécurité, car ils disaient ce que le pays pouvait donner, si l’on savait agir sur lui.

En province, malgré l’appui ouvert de l’administration, les conservateurs étaient battus ; c’étaient pour eux plus qu’une défaite, un véritable désastre : Dans le Cher, la Charente, la Dordogne, la Seine-Inférieure et le Morbihan seulement, le parti républicain éprouva des échecs, encore ne furent-ils que partiels. Les bonapartistes avaient tenté de reparaître. Le prince Jérôme Napoléon avait lancé un manifeste habile, revendiquant l’appel au peuple au nom du principe démocratique de la souveraineté populaire mais les têtes de colonne du parti, MM. Rouher, le baron Jérôme David et Ernest Dréolle n’avaient pas été élus.

Parmi les républicains favorisés figuraient des hommes de toutes les nuances, depuis les ralliés jusqu’à l’extrême-gauche : dans le Var, M. Léon Gambetta, qui rentrait en scène ; Alfred Naquet, Pascal Duprat, le colonel Denfert-Rochereau, Daumas, Ferrouillat, Duvergier de Hauranne, Laurent-Pichat, Brelay, Scheurer-Kestner, Corbon, etc.

Gambetta avait été élu dans le Var et dans la Seine. Faidherbe, l’ancien commandant en chef de l’armée du Nord avait triomphé dans les trois départements où avait manœuvré la petite mais vaillante armée qu’il avait si habile-