Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/28

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tend à créer cette infériorité, c'est-à-dire à amortir et à affaiblir la partie essentielle de notre force défensive.

C'est par là, c'est par la sourde conspiration des idées anciennes survivant à leur apparente défaite que s'explique la longueur démesurée du temps de service à la caserne. Deux ans de caserne c'est au moins quatre fois plus qu'il n'est nécessaire pour apprendre au futur soldat ce qu'il a besoin de savoir, avant d'entrer dans les cadres de la nation armée. J'affirme qu'en parlant ainsi je ne cède aucune tentation de complaisance démagogique. On le verra d'ailleurs par les obligations sérieuses que le projet ici formulé impose aux citoyens.

Un parti qui n'aurait pas le courage de demander à la nation les sacrifices nécessaires à sa vie, à sa liberté. serait un parti misérable et bientôt perdu par son indignité même.

Mais je suis convaincu que le long service de caserne est la conséquence d'une idée fausse : c'est une pièce d'un système déplorable, qui en neutralisant et avilissant les réserves, c'est-à-dire la véritable armée active, entame sérieusement la force défensive de la France.

Ce n'est pas le souci de l'éducation technique et individuelle du soldat qui a dicté le service de deux ans. Je ne prétends pas transporter en France sans modifications toute l'organisation de l'armée suisse. Mais quand on consate que la loi de l'armée suisse, je parle de la nouvelle loi qui a aggravé les charges militaires, ne prévoit, pour l'instruction des recrues, que des durées variables dont le maximum est de trois mois, il est impossible d'expliquer par des raisons d'éducation militaire cette disproportion de trois mois à deux ans. C'est une œuvre sérieuse que prétend faire la démocratie suisse. L'article 118 de la nouvelle loi dit avec force :

Les écoles de recrues sont destinées à former le soldat. Elles servent en outre à l'instruction pratique des cadres. Leur durée est, pour l'infanterie et le génie, de 65 jours ; pour la cavalerie, de 90 jours ; pour l'artillerie et les troupes de forteresse, de