Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/254

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quart. La seconde dépêche venait donc d’un faussaire connaissant plus exactement la situation militaire et personnelle du colonel Picquart que le premier, ou du même faussaire plus exactement renseigné.

Le cousin du commandant Esterhazy, Christian Esterhazy, a fait à ce sujet, devant le juge d’instruction Bertulus, une déposition tout à fait précise.

Il affirme que pendant toute cette crise le commandant du Paty de Clam et le commandant Esterhazy étaient en relations presque journalières : et c’est lui qui leur servait d’intermédiaire.

Il affirme que la dame voilée, dont nous allons parler bientôt et qui communiquait à Esterhazy des dossiers secrets du ministère, n’était autre que du Paty de Clam lui-même.

Et, en même temps, voici qu’il dépose sur les faux télégrammes Blanche et Speranza : « Le commandant m’en a parlé souvent, ainsi que du Paty. C’est pour compromettre Picquart, dirent-ils, et pour le débusquer, qu’ils imaginèrent le subterfuge. Deux télégrammes lui furent envoyés sur le conseil de du Paty de Clam. Le premier, celui de « Speranza », a été dicté par le colonel, écrit par Mme Pays, mis à la poste par le commandant Esterhazy. Mais, dans la même journée, le colonel du Paty de Clam fait part au commandant Esterhazy de ses craintes que le télégramme transmis n’arrive point à destination, par suite d’une erreur d’orthographe faite au nom du colonel Picquart et dont il s’est aperçu trop tard en consultant l’Annuaire militaire. On avait oublié le C. Et comme il était nécessaire de poursuivre l’aventure, qu’il ne fallait pas abandonner ce dessein pour une cause si futile, on décida d’expédier un second télégramme. Le colonel du Paty de Clam l’écrivit ou le dicta ― mes souvenirs sont ici un peu moins précis ― et le commandant l’envoya. Il était signé Blanche. »

Je ne discute pas la moralité de Christian Esterhazy. Évidemment puisqu’il a accepté, pendant des mois, le