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Bombay, rapporterait, à la fin de sa mission, un diadème, cadeau royal du rajah au président de la République, il me vint un scrupule. En effet, à ce diadème, disait-on, resplendissent les plus merveilleuses émeraudes qui soient au monde. Justement inquiet… » Inquiet est un chef-d’œuvre !…

Tous. — Continuez ! Continuez !…

Grécourt. — « Justement inquiet, j’écrivis au président de la République la lettre suivante : « Monsieur le Président, mon patriotisme tant de fois mis à l’épreuve… » Je trouve ça charmant.

Georges. — Mais, continue ! On dirait que c’est toi qui l’as écrite.

Tous. — La lettre.

Grécourt. — « … tant de fois mis à l’épreuve, s’épouvante à l’idée qu’un diadème, destiné à figurer un jour dans notre musée national du Louvre, puisse être dérobé à la France… »

Brizailles. — Vive l’armée.

Grécourt. — « Il n’y a qu’une personne, par ce temps d’immoralité à outrance, qui soit capable de vous rapporter ce diadème en bon état, et, à coup sûr, ce n’est point ce parfait honnête homme, mais un point c’est tout. J’ai cité M. le comte d’Avremesnil. »

(On rit.)

Georges, se levant. — Je vous en prie. Ce n’est pas drôle. (À Grécourt.) Non, ne ris pas, mon vieux.

Grécourt. — « Si vous vous refusez avec un parti pris qui, prenez garde, devient de l’obstination à vous passer de mes services, je vous prouverai qu’on ne peut impunément s’en priver et je m’offrirai ce diadème… vous savez ce que cela veut dire… Veuillez avoir la bonté de me répondre dans les vingt-quatre heures, à mon adresse ordinaire : M. Arsène Lupin. France. » Je trouve ça délicieux.

Georges. — C’est lui qui l’a écrite !

Grécourt. — « Cette lettre, chose paradoxale, étant demeurée sans réponse, je me suis vu forcé d’adresser au président de la République le billet suivant : « Monsieur le Président, M. d’Avremesnil est arrivé à Paris, il y a huit jours. M. Balsan, secrétaire d’ambassade, en ce moment porteur du fameux diadème, arrivera à Paris, le 14 mars, à 6 heures du soir. J’ai le regret de vous informer que le 14, à minuit, le diadème sera en ma possession. Ne vous en prenez qu’à vous-même, car il y a quelques mois, je vous en eusse fait cadeau volontiers contre la croix de la Légion d’honneur, que je pense avoir mieux méritée que certains couturiers, autres gens de lettres. »

Georges. — Ça, c’est drôle ! ça c’est franchement drôle !

Grécourt, continuant. — « … autres gens de lettres et diplomates… » Il y a diplomates, mon vieux.

Georges. — Oui, enfin, tout ça, c’est quelqu’un qui a voulu être désagréable au père de ma fiancée.

Brizailles. — Mais oui, il n’a jamais existé, ce Lupin.

Faloise. — C’est un bruit que fait courir la police, quand elle ne sait plus à quel saint se vouer.

Georges. — Et cela fait le bonheur des apaches. Quand Lupin paraît, les surins dansent.

Faloise. — Donnez-nous aujourd’hui notre Lupin quotidien.

Brizailles. — Pour moi, Lupin, c’est comme Jacques l’éventreur, comme tous ces gigolos-là, une série de crimes que l’incurie de notre République…

Bergès. — Bravo !

Brizailles. — « … et la superstition des foules attribuent au même état légendaire. »

Tous. — Voilà.

Faloise. — Pourquoi conduis-tu des cotillons ? Tu devrais être orateur.

Grécourt. — Comparer Lupin à Jacques l’éventreur, c’est formidable !

Bergès. — Ça, c’est vrai. Lupin n’a jamais assassiné.

Faloise. — Il n’a même jamais tué quelqu’un en duel.

Georges. — Tu crois à l’existence de Lupin, toi ?…

Grécourt. — Oui, j’y crois. Il annonce qu’il prendra le diadème, je crois sa menace sincère. Il annonce qu’après cela il prendra La Joconde.

Georges. — Hum !…

Faloise. — C’est vrai… j’ai lu cette fumisterie dans les journaux.

Georges.La Joconde du Musée du Louvre… Et, malgré ça, tu crois en Lupin ?

Grécourt. — Oui.

Brizailles, Déclamant. — Moi, je crois en Lupin comme je crois en Dieu…