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Page:Je sais tout magazine - Le Retour d'Arsène Lupin, partie 2.djvu/11

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exemple, comme vous, rendu de ces services, qui vous lient à la vie à la mort… Eh bien !… le premier moment de stupeur, d’horreur passé, j’aurais un grand soulagement, je lui tendrais la main… oui, je lui tendrais la main… Le soupçon, voyez-vous, c’est cela qui est intolérable.

D’Andrésy, se levant, mettant ses gants. — Il n’y a d’intolérable que la preuve.

Georges. — Vous partez ?

D’Andrésy. — Vous attendez Guerchard ?

Georges. — Vous ne tenez pas à le rencontrer ?

D’Andrésy, après un temps et le regardant. — Georges !

Georges. — Eh bien ! oui, là ! Eh bien ! oui là, c’est absurde, c’est odieux, c’est offensant, c’est même abominable. Je n’ai pas de raisons, je n’ai aucune raison, qui justifie cette pensée atroce… mais moi aussi… tout à coup, je ne sais pas pourquoi, depuis tout à l’heure, j’ai comme une de ces intuitions… D’Andrésy, il y a en vous une âme énigmatique, obscure, quelque chose d’inquiétant, quelque chose que je ne connais pas… et puis…

D’Andrésy. — Parlez… de quoi avez-vous peur ?

Georges. — Et puis, je ne sais pas d’où vous venez… tout est mystérieux chez vous… Notre rencontre même, l’épisode du temple… et puis…

D’Andrésy. — Parlez.

Georges. — Parler… c’est que je cherche mes mots… enfin, c’est idiot… vous allez vous tordre… et puis Lupin… n’est-ce pas… Lupin… eh bien… Lupin… on se le représente sous l’aspect d’un homme jeune, élégant, policé… Le souvenir de d’Arbelles, un être inquiétant, lointain peut-être comme vous… un peu comme vous… c’est drôle, n’est-ce pas ?… Vous devez rire… Ah ! vous ne riez pas ?…

D’Andrésy. — Non.

Georges. — Vous ne riez pas ?

D’Andrésy. — Non.

Georges. — D’Andrésy ?

D’Andrésy. — Quoi ?

Georges. — D’Andrésy, ce n’est pas possible ?

D’Andrésy. — Si.

Georges. — D’Andrésy, vous me faites grimper… Vous riez… Est-ce que vous seriez ?…

D’Andrésy. — Parlez donc, ça vous brûle les lèvres.

Georges. — Vous seriez Arsène Lupin ?

D’Andrésy. — Oui.

Georges. — Oh !

D’Andrésy. — Eh bien ! la main… (Un temps.) Votre soulagement me paraît long à venir… Voyons, j’ai eu de la franchise… je vous ai dit ce que je n’ai dit à personne, que je suis un voleur, et quel voleur !… Seulement, je vous ai sauvé la vie, et je vous ai délivré d’un soupçon… Alors, la main…

Georges, tendant la main. — Eh bien ! oui !

D’Andrésy, stupéfait. — C’est vrai.

Georges, la main toujours tendue. — Oui… Je vous dois la vie. C’est bien le moins… à l’instant de vous dire adieu…

D’Andrésy, à part. — Allons donc !

Georges, la main toujours tendue. — Eh bien, voilà. (À d’Andrésy qui pouffe de rire.) Qu’est-ce qui vous prend ?

D’Andrésy. — Vous en avez une santé !… C’est admirable !… il m’aurait serré la main… et il l’a cru… car vous l’avez cru…

Georges. — Hein ?

D’Andrésy. — C’est merveilleux ! Il faut dire que j’ai été épatant, mais c’est merveilleux… Ah ! mon pauvre Georges… (Il se tord.) Mon pauvre Georges !

Georges. — Ce n’est pas drôle !

D’Andrésy. — Et il est vexé… Ah ! quand je vais raconter cela à l’Union…

Georges. — Ah ! mais non, il est inutile…

D’Andrésy. — Je vais me gêner… elle est bien trop drôle… avoir pu se faire passer pour Arsène Lupin !… Et vous voulez que je ne le raconte pas…

Georges. — J’ai été idiot !

D’Andrésy. — Mais non, vous êtes un cœur d’or. Vous êtes exquis. Et puis vous gobez, vous y coupez, vous marchez, vous êtes à mettre dans une vitrine…

Georges. — Je suis à enfermer, oui !

D’Andrésy. — C’est la même chose. Ah ! elle est bonne ! Et puis cette phrase à propos de Guerchard : « Vous ne tenez pas à le rencontrer. » Toute ma vie… je vivrais mille ans… toute ma vie je