Page:Jean-François Champollion - Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques.djvu/12

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ne devra pas s’étonner de cette synonymie et de cette multiplicité de signes pour exprimer le même son, chez un peuple dont l’écriture est essentiellement idéographique.

On ne peut point, en effet, considérer l’écriture phonétique des Égyptiens, soit hiéroglyphique, soit démotique, comme un système aussi fixe et aussi invariable que nos alphabets. Les Égyptiens étaient habitués à représenter directement leurs idées ; l’expression des sons n’était, dans leur écriture idéographique, qu’un moyen auxiliaire ; et lorsque l’occasion de s’en servir se présenta plus fréquemment, ils songèrent bien à étendre leurs moyens d’exprimer les sons, mais ne renoncèrent point pour cela à leurs écritures idéographiques, consacrées par la religion et par leur usage continu pendant un grand nombre de siècles. Ils procédèrent alors, comme l’ont fait dans des conjonctures absolument pareilles les Chinois, qui, pour écrire un mot étranger à leur langue, ont tout simplement adopté les signes idéographiques dont la prononciation leur paraît offrir le plus d’analogie avec chaque syllabe ou élément du mot étranger qu’il s’agit de transcrire. On conçoit donc que les Égyptiens voulant exprimer soit une voyelle, soit une consonne, soit une syllabe d’un mot étranger, se soient servis d’un signe hiéroglyphique exprimant ou représentant un objet quelconque dont le nom, en langue parlée, contenait ou dans son entier, ou dans sa première partie, le son de la voyelle, de la consonne ou de la syllabe qu’il s’agissait d’écrire.