Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/23

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ne profitait, pour nous calomnier, de notre isolement et de l’impossibilité où nous sommes de nous faire entendre. D’un côté, il représente au monde notre silence comme une approbation de ses actes; il se prévaut d’une prétendue unanimité de sentiments et d’opinions, qui n’est que le résultat d’un règne de terreur. D’un autre côté, ce gouvernement, nous sachant isolés du monde et privés de tout moyen de le démentir, nous crie que toutes les nations civilisées de la terre sont devenues indifférentes au sort des esclaves. Il nous dit que les Wilberforces et les Broughams sont morts ; que l’Europe a proclamé le culte de Mammon; que les intérêts matériels y ont effacé jusqu’aux dernières traces de l’idée civilisatrice. Il nous dit que l’intelligence, le désintéressement, l’humanité, n’y sont plus honorés désormais; que les fabricants et leurs ouvriers ont besoin de coton, à bon marché, à long terme de crédit, et qu’ils s’uniraient pour lapider, en pleine place publique, l’audacieux qui proclamerait aujourd’hui dans leurs cités manufacturières ces principes: « Tous les hommes sont enfants d’un même père qui est Dieu ; les hommes et les femmes, les nobles et les esclaves, sont également des anges de Dieu ; hommes et femmes sont tous frères et sœurs ; aimez donc votre prochain comme vous-même, et la loi divine au-dessus de tout.»

Dans cette situation, non-seulement j’étais forcé de renoncer à vous écrire régulièrement, mais même il m’était impossible de bien connaître et d’apprécier les événements de la guerre. Mon horizon ne s’étendait pas au delà de ce qui se passait sous mes yeux. Ce que j’ai vu suffira toutefois pour donner une idée de la société