Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/28

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ces hommes vulgaires, à qui l’aplomb tient lieu de mérite, et dont la pensée s’arrête au point où l’intérêt finit. Il se proposait de louer une des jeunes esclaves. Les femmes venaient de rentrer de la cotonnerie ; Amanda présidait à leur déjeuner. Le boucher scruta, d’un œil connaisseur, tout ce qui se trouvait dans la grande salle ; ses préférences s’arrêtèrent sur la jeune blanche. Le planteur céda bientôt à la libéralité de l’offre qui lui était faite, et annonçant à Amanda qu’elle était louée, il lui intima l’ordre de se préparer au départ.

Cet événement frappait la pauvre esclave d’une manière soudaine. Il coupait court brutalement à toutes ses habitudes d’enfance et à ses rêves affectionnés de jeune fille. Saisie à la fois par l’étonnement, le regret, la crainte, elle se prit à pleurer.

— Maître, maître, disait-elle en sanglotant et sans comprendre d’abord toute l’étendue de son malheur, je suis louée ! Que vous ai-je donc fait ? N’ai-je pas servi avec fidélité et dévouement ? Est-il une esclave plus matinale que moi, dans votre maison ? En est-il beaucoup d’aussi vives ou d’aussi laborieuses ? Tout ce que vous m’ordonnez, je le fais de mon mieux. J’aime cette ferme, j’aime mes maîtres, et je ne puis me résoudre à les quitter. »

— « Amanda, interrompit le planteur d’un ton sévère, obéissez. »

Je vis la pauvre jeune fille s’affaisser sur elle-même, et cacher sa tête dans ses mains. « Non, je ne puis me résoudre à partir, s’écriait-elle. Ici je suis née, j’ai vécu, j’ai mes amitiés et mes sympathies. Si j’ai fait quelque faute, punissez-moi, mon maître, punissez-moi sans