Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/53

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line, chaque vallée portait avec elle un souvenir. J’allai revoir la terre où j’avais planté ma tente, en 1859, lorsque j’étais arrivé comme premier habitant du canton. Je cueillis les fleurs qui décoraient mes plates-bandes. Je dis adieu du regard à mes animaux domestiques, compagnons fidèles de ma solitude, élevés pour la plupart par mes soins.

Je n’emportai avec moi que les objets les plus nécessaires. Je fus obligé d’abandonner sur les étagères les publications de New-York, que j’avais reçues régulièrement sous le régime de l’Union. Je renonçai à regret à emballer ma collection de roches et de fossiles des terrains secondaires et tertiaires, qui embrassait des spécimens recueillis depuis le Brazos jusqu’au Rio Grande. Le poids de ces objets était hors de proportion avec mes moyens de transport.

Un sentiment de tristesse profonde me serra le cœur, lorsque, après avoir mis mes malles dans ma voiture, je donnai le coup de fouet fatal, abandonnant ces champs que je ne devais plus revoir. J’étais profondément humilié de la défaite de la civilisation et de ses œuvres. Je me joignis en silence à la caravane qui partait. C’était un long et lent convoi de chariots à bœufs, encombrés de meubles, de casserolles, d’instruments aratoires, et — comme hors d’œuvre — de femmes et d’enfants. Çà et là, paraissait une voiture légère, chargée de coffres plus délicats, renfermant, selon toute apparence, les objets précieux, et surveillés avec le même zéle que le tabernacle des Hébreux.

Les hommes sont armés jusqu’aux dents. Les femmes pleurent au haut de leurs chariots. Chacun s’en va tête