Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/75

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l’idée d’humanité, aucun système n’est plus contraire au développement des qualités individuelles et à celui de l’industrie du pays. C’est la condamnation des efforts personnels, dans ce qu’ils ont de plus respectable et de plus noble.

Mais je reviens aux personnes libres de couleur. La loi récente leur fut signifiée individuellement; et comme on n’en trouva aucune qui préférât l’alternative de l’esclavage — même avec la faculté de choisir le maître — les préparatifs de l’exil se firent de toute part. Il y avait des familles bien établies, des artisans qui subsistaient de leur travail, des gardeurs de bétail, des barbiers, des tailleurs, des blanchisseuses. Quelques-uns purent réaliser, en partie du moins, leur humble capital. Séparer les autres de leur clientèle, c’était les réduire à la mendicité. Des citoyens qui traitaient depuis longtemps avec ces personnes libres, des voisins qui vivaient en bonne intelligence avec elles, entreprirent d’élever des réclamations. Mais les rangers du camp, qui parcouraient sans cesse la ville avec leurs armes, eurent bientôt coupé court à ces démonstrations. Un passant leur fut désigné comme sympathique aux nègres libres. Les soldats firent feu, et poursuivirent le malheureux « unioniste » de rue en rue, jusqu’à ce qu’il fût tombé mort au coin du marché.

Une souscription s’organisa cependant; des provisions et des moyens de transport furent préparés. Un train se forma pour Monterey, dans la province de Nuevo-Leon (Mexique), à cent trente lieues de San Antonio. Nous étions obligés de nous cacher pour porter ne fût-ce qu’un conseil, à ces pauvres parias du monde moderne. La