Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/96

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sérieux. Les fonctions que l’on me voyait remplir, le costume que je portais et que j’ai décrit, mon teint fortement hâlé, mes mains brunies au soleil, et jusqu’à ma familiarité avec la langue mexicaine[1], tout se réunissait pour écarter les soupçons. Le lieutenant ne parut pas douter un instant de mes qualités, et vraisemblablement il n’en aurait pas cru ses yeux, s’il eût retiré de mon fusil de chasse, avec le mémoire destiné au cabinet de Washington, le passe-port et les lettres d’introduction d’un membre de l’Académie des sciences de Belgique.

Après un examen de notre chargement, et quelques-unes de ces paroles de fanfaronnade qui paraissent caractériser, en tout pays, la profession des armes, nos visiteurs prirent congé de nous. Le lendemain nous gagnâmes les immenses lagunes formées par les inondations du Rio Grande. La végétation prenait un aspect nouveau. Les bois devenaient touffus, épais, traversés de lianes. Le cactus nopal, qui ne s’élève pas à San Antonio jusqu’à la hauteur du genou, surpassait ici la taille d’un homme. Ses grandes ramifications, légères comme des découpures, toutes aplaties dans un même sens, ressemblaient à ces arbres de carton qu’on met sur le théâtre. Dans les endroits ouverts, le pita, qui est nain à San Antonio, poussait jusqu’à trois mètres de hauteur. Tout était couvert de verdure; les lézards, les serpents, les tortues, abondaient le long du chemin.

Le 19 mars enfin, le trente-sixième jour de ce pèlerinage, nous vînmes camper dans l’après-midi à trois

  1. Espagnol du Nouveau-Monde.