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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/107

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N’est-ce pas vous ? » (1Thes. 2,19) La vie d’un maître, s’il est digne de ce nom, sa consolation, sa joie, ce sont les progrès de ses disciples.
3. Rien ne sied mieux à quiconque a le pouvoir, que l’amour et l’indulgence pour ses inférieurs. Être père, ce n’est pas seulement engendrer des enfants, mais encore les aimer après leur avoir donné la naissance. Si la loi naturelle commande à ce point l’amour, que ne fera pas la loi de grâce ? C’est par là que brillèrent tous les personnages anciens. Ainsi Samuel fit preuve de grandeur, quand il dit : « Loin de moi ce péché contre le Seigneur ; non, je ne cesserai point de prier pour vous ». (1Sa. 12,23) Ainsi parlaient David, Abraham, Élie, tous les justes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Moïse n’abandonna-t-il point d’immenses richesses, de prodigieux trésors, pour partager l’affliction du peuple qu’il commandait ? Avant d’être établi chef de ce peuple, il le gouvernait déjà par ses services. Quoi de plus ridicule que les paroles de cet Hébreu, qui lui disait : « Qui donc t’a établi notre chef et notre juge ? » (Ex. 2,14) Que dis-tu ? Ne vois-tu pas ses œuvres ? Hésites-tu encore à l’appeler du nom de chef ? Vous voyez un médecin occupé à traiter un malade ; il apporte beaucoup de soulagement au membre qui souffre. Vous lui demandez : Eh ! dites-moi, qui vous a établi médecin ? Qui vous a permis de traiter ce malade ? – Mais, vous répondra-t-il, c’est la science que je possède ; c’est la maladie qui vous travaille. Or, n’est-ce pas aussi la science du commandement qui a élevé Moïse à la dignité de chef ? Car le commandement n’est pas seulement une dignité, c’est aussi un art, et le plus sublime de tous. Si le commandement dans l’ordre temporel est un art, et le plus beau de tous les arts, que dirons-nous du commandement dans l’ordre spirituel ? Autant l’ordre spirituel l’emporte sur l’ordre temporel, autant l’art de commander dans l’ordre spirituel est supérieur à l’art de commander dans l’ordre naturel ; et ce n’est pas assez dire encore. Mais entrons dans de plus grands développements.
L’agriculture, la fabrication des tissus, l’architecture sont des arts, et des arts vraiment nécessaires pour l’entretien de la vie. Les autres, l’art de travailler le fer, par exemple, ou les autres métaux, l’art d’élever les brebis et les autres animaux, ne sont que leurs auxiliaires. Mais quoi de plus nécessaire que l’agriculture ? Dieu lui-même n’en a-t-il pas fait le premier des arts, en créant l’homme ? On peut, dans la vie, se passer de chaussures et de vêtements ; mais l’agriculture est indispensable. Ne sont-ils point nus les Hamaxobiens, ces nomades de la Scythie, qui vivaient au milieu des pâturages, ces gymnosophistes de l’Inde ? Ils se passent bien d’architecture, de tissus, et de ce qui sert à vêtir le corps ; ils se contentent de cultiver leurs champs. Rougissez donc d’avoir recours à tant d’arts superflus, d’avoir besoin de cuisiniers, pour vous préparer des pâtisseries et autres friandises, d’avoir besoin de tant d’autres gens pour donner plus de charmes à votre existence ! Rougissez d’avoir introduit dans la vie humaine un si grand nombre d’arts frivoles ! Vous qui croyez en Jésus-Christ, que ces barbares qui savent se passer de tout cela vous fassent honte. Dieu nous a faits de manière à pouvoir nous contenter de peu. Cependant je ne veux pas vous contraindre à ressembler à ces peuples, je ne veux pas vous en faire une loi. Imitez seulement Jacob dans les demandes qu’il faisait. Que demandait-il donc?.« Que Dieu me donne du pain pour me nourrir et des vêtements pour me couvrir ». (Gen. 28,20) Saint Paul n’enjoignait-il pas de ne pas rechercher davantage : « Contentons-nous, disait-il, d’avoir des aliments, et de quoi nous vêtir ». (1Tim. 6,8) Le premier des arts, c’est donc l’agriculture ; vient ensuite l’art de tisser les vêtements, puis l’art de bâtir des maisons. Le dernier de tous est celui de faire des chaussures. Ne voit-on pas chez, nous beaucoup de serviteurs et de laboureurs se passer de chaussures ? Les premiers seuls sont donc utiles et nécessaires Eh bien ! comparons-les avec l’art du commandement. C’est dans ce dessein que j’ai parlé de ces arts les plus utiles de tous. S’il est évident qu’ils sont inférieurs à l’art de commander, à plus forte raison les autres arts lui seront-ils inférieurs. Comment vous ferai-je voir que l’art de commander l’emporte sur les autres ? C’est que, sans lui, tous les autres sont inutiles.
Mais ne nous occupons que de l’agriculture, de ce premier des arts. A quoi servirait le trayait des laboureurs, si les hommes étaient sans cesse en guerre, et se pillaient mutuellement ? N’est-ce pas la crainte du Prince qui