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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/150

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mais que dit-il : « Si celui qui vient, vous annonçait un autre Christ », ce en quoi l’art des paroles est parfaitement inutile ; « ou s’il vous faisait recevoir un autre esprit » ; ici encore, les phrases n’ont rien à faire, c’est-à-dire, s’il vous rendait plus riches, quant à la grâce ; « ou s’il vous prêchait un autre Évangile que celui que vous avez reçu » ; ici encore les phrases ne servent à rien : « vous auriez raison de le souffrir ». Considérez donc, je vous en prie, comment toutes les expressions de l’apôtre montrent distinctement que ces hommes n’ont rien dit de plus, qu’ils n’ont rien ajouté. En s’exprimant ainsi : « Si celui qui vient, vous annonçait un autre Christ », il a soin d’ajouter que « celui que nous vous avons annoncé » ; après, « s’il vous faisait recevoir un autre esprit », il met tout de suite, « que celui que vous avez reçu » ; et après, « ou s’il vous prêchait un autre Évangile », il ajoute aussitôt, « que celui que vous avez embrassé » ; et toutes les paroles de l’apôtre démontrent qu’il ne faut pas accueillir simplement ce qu’ils peuvent dire de plus, mais ce qu’ils disent de plus, quant aux vérités qu’il fallait dire, et que nous aurions oubliées. Si nous n’avons négligé de dire que ce qu’il ne fallait pas dire, pourquoi leur accordez-vous votre admiration ?
3. Mais, dira-t-on, si leur langage est le même, pourquoi les empêcher de parler ? C’est parce que, d’une manière hypocrite, ils introduisent des dogmes étrangers. Toutefois l’apôtre ne le dit pas encore, il ne donnera cette raison que plus tard ; en s’exprimant ainsi, ils se déguisent en apôtres du Christ ; en attendant, il prend les moyens les plus doux pour soustraire les disciples à leur autorité, non qu’il fut jaloux de leur puissance, mais par intérêt pour les fidèles. En effet, pourquoi n’empêche-t-il pas Apollon, personnage éloquent, versé dans la connaissance des Écritures, d’enseigner la doctrine, pourquoi va-t-il jusqu’à promettre de l’envoyer ? C’est qu’Apollon faisait servir sa science à défendre l’intégrité de la doctrine ; les autres faisaient le contraire. Voilà pourquoi l’apôtre leur fait la guerre, et blâme les disciples épris d’admiration pour eux, pourquoi il leur dit : si nous avons oublié quelqu’une des vérités qui devaient être dites, si ces gens-là ont complété ce que nous avions laissé défectueux, nous ne vous empêchons pas de vous appliquer à leur enseignement ; mais si tout l’édifice a été construit par nous, si nous n’avons rien omis, d’où vient que ceux-là se sont emparés de vos esprits ? De là, ce qu’il ajoute : « Mais je ne pense pas avoir été inférieur en rien aux plus grands d’entre les apôtres (5) ».
Ici ce n’est plus avec les faux apôtres qu’il se compare, mais avec Pierre, avec les autres apôtres. Si ces gens-là savent quelque chose de plus que moi, ils savent aussi quelque chose de plus que ces grands apôtres. Et voyez encore ici avec quelle mesure Paul s’exprime. Il ne dit pas : les apôtres n’ont rien dit de plus que moi ; comment s’énonce-t-il : « Je ne pense « pas », c’est mon sentiment que je ne suis en rien dépassé par les plus grands apôtres. Il pouvait paraître au-dessous des autres apôtres, parce que ceux-ci, l’ayant précédé dans la prédication, avaient un plus grand nom, s’étaient acquis plus de gloire ; les adversaires de Paul voulaient s’introduire dans leurs rangs ; de là ce que dit l’apôtre en se comparant aux anciens avec une parfaite convenance. C’est pourquoi il les cite avec les éloges qui leur sont dus, et il ne se contente pas de dire : je ne suis pas inférieur aux apôtres ; mais « aux plus grands d’entre les apôtres », montrant par là Pierre et Jacques et Jean.
« Si je suis peu instruit pour la parole, il n’en est pas de même pour la science (6) ». La supériorité de ceux qui corrompaient les Corinthiens consistait en leur science de la parole, et l’apôtre tient à montrer que, loin de rougir de son peu d’instruction sur ce point, il s’en glorifie au contraire. Il ne dit pas : si je suis peu instruit pour la parole, il en est de même aussi de ces grands apôtres ; on eût pu voir dans cette manière de parler, un outrage aux apôtres, un éloge pour les beaux diseurs ; Paul rabaisse leur mérite, leur sagesse extérieure. Dans sa première lettre, il s’attache fortement à montrer que cette science de parole, non seulement ne sert en rien à la prédication, mais obscurcit la gloire de la croix. « En effet », dit-il, « je suis venu vers vous sans les discours élevés de l’éloquence et de la sagesse humaine, pour ne pas rendre vaine la croix de Jésus-Christ » (1Cor. 11,1 ; 1, 17) ; et bien d’autres protestations du même genre prouvent la plus grande grossièreté en fait de connaissances humaines ; ce qui est pour les hommes le comble de la grossièreté.
Donc quand il fallait se comparer avec quelqu’un relativement aux grandes choses, il se