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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/184

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dire : « C’est pour vous épargner ? » C’est-à-dire : J’avais peur de trouver en vous de pécheurs incorrigibles, j’avais peur d’être obligé de châtier, de punir. Ici, il exprime 1a même pensée de cette manière : « Voici la troisième fois que je me dispose à vous aller voir. Tout se jugera sur le témoignage de deux ou trois témoins ». L’apôtre rapproche une parole qui est dans l’Écriture d’une autre (lui n’y est pas ; c’est ainsi qu’il dit ailleurs : « Celui qui s’unit à une prostituée, est un même corps avec elle ; car ceux qui étaient deux, dit l’Écriture, ne seront plus qu’une chair ». (1Cor. 6,16) II est certain pourtant qu’il n’est question dans l’Écriture, que du mariage légitime ; mais l’apôtre, tout en détournant ces paroles de leur véritable, objet, les emploie d’une manière utile, afin d’inspirer à l’adultère plus de terreur. Il fait de même ici ; ces témoins dont il parle ne sont autre chose que les visites et les menaces qu’il a faites aux Corinthiens. Voici ce qu’il veut dire : Ce que je vous ai dit une fois, deux fois, quand j’étais auprès de vous, je vous le répète en ce moment par lettres. Si vous m’écoutez, je n’ai plus rien à désirer ; si vous ne m’écoutez pas, je serai forcé de tenir ma parole, et d’en venir aux châtiments. Aussi dit-il : « Je vous ai prévenus, et je vous préviens encore, au moment de vous aller voir ; j’ai beau être loin de vous, je vous écris, à ceux qui ont péché auparavant, et à tous les autres, que, si je retourne auprès de vous, je ne pardonnerai pas (2) ». Car si tout doit dépendre de deux ou trois témoins, si je vous ai visités à deux reprises, si je vous ai parlé, ce que je vous ai dit, je vous le répète encore maintenant dans ma lettre ; je serai donc désormais forcé de prouver la vérité de mes paroles. N’allez pas croire que mes lettres ne vaillent pas ma présente ; ce que je vous disais, moi présent, je vous l’écris en ce moment, avec tout autant d’autorité, loin de vous. Comprenez-vous cette sollicitude paternelle ? Comprenez-vous la sagesse, la prévoyance de, l’apôtre ? Il ne garde pas le silence, il n’inflige pas non plus de punition, il accumule les avertissements, il se borne à menacer d’une manière constante, et il diffère le châtiment : ce n’est que, s’ils demeurent incorrigibles qu’il les menace d’en venir à la punition réelle. Mais quel avertissement avez-vous donné de vive voix, et qu’écrivez-vous de loin ? « Si je retourne, je ne pardonnerai pas ». il a commencé par montrer, qu’à moins d’être forcé, il ne peut se résoudre à cette rigueur ; il a parlé des pleurs qu’il serait obligé de verser ; il a parlé de son humiliation : « Et qu’ainsi Dieu ne m’humilie, lorsque je serai revenu chez vous, et que je ne sois obligé d’en pleurer plusieurs, qui ont déjà péché, et qui n’ont pas fait pénitence » ; pour se justifier devant eux, il leur rappelle qu’il les a avertis une, fois, deux fois, trois fois, qu’il fait tout, qu’il emploie tous les moyens, pour repousser la nécessité dés châtiments, pour les rendre meilleurs en les effrayant par ses paroles ; ce n’est qu’à la fin qu’il se sert de ces dures et menaçantes expressions : « Si je retourne, je ne pardonnerai pas ». Il ne dit point : Je châtierai, je punirai, j’exigerai une réparation ; il exprime encore d’une manière paternelle même la punition, il montre que ses entrailles se troublent, que son âme s’afflige avec leur âme, que c’est pour cette bonté dont ils sont l’objet qu’il a toujours différé de les punir. Mais il ne veut plus laisser croire qu’il se bornera encore à attendre, à menacer en paroles ; voilà pourquoi il a dit d’abord : « Tout se jugera sur le témoignage de deux ou trois témoins », et pourquoi il a ajouté : « Si je retourne, je ne pardonnerai pas ». Ce qui revient à dire : Je n’hésiterai pas plus longtemps, si je vous trouve incorrigibles ; (puisse ce malheur ne pas arriver !) je punirai, n’en doutez pas, et je tiendrai ma parole. Ensuite, il s’emporte, il s’irrite, il s’indigne contre ceux qui le représentent comme un homme faible, qui tournaient en dérision l’effet produit par sa personne, et qui disaient : « Lorsqu’il est présent, il paraît bas en sa personne, et méprisable en son discours » (2Cor. 10,10) ; c’est à eux qu’il adresse cette apostrophe : « Est-ce que vous voulez éprouver le Christ qui parle en moi (3) ? » C’est un coup donné à ses détracteurs, et en même temps, pour, les fidèles, un avertissement. Ce qui revient à dire:. Puisque vous tenez à éprouver si le Christ habite en moi, et que vous me demandez dés comptes, et que vous me tournez en ridicule comme un homme vil et méprisable, entièrement dépourvu de la force d’en haut, vous saurez que nous n’en sommes pas dépourvu, à la première occasion que vous nous donnerez de vous la faire sentir, (puisse ce malheur