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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/215

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malice des hommes et non de la colère divine ; mais là-bas, la vengeance de Dieu se manifestera clairement, lorsque, assis en qualité de juge, sur son redoutable tribunal, il ordonnera de traîner ceux-ci dans les fournaises, ceux-là dans les ténèbres extérieures, d’autres à d’autres supplices inévitables et intolérables tout à la fois. Et pourquoi l’apôtre ne dit-il pas ouvertement que le Fils de Dieu viendra, entouré d’une multitude d’anges, faire rendre compte à chacun, mais, « qu’on y découvre la colère de Dieu ? » C’est que ses auditeurs étaient encore néophytes ; voilà pourquoi il les attire d’abord par des raisons admises chez eux sans difficulté. D’ailleurs il me semble s’adresser aussi aux Grecs, et c’est ce qui explique son début ; puis il arrive enfin à parler du jugement du Christ.
« Contre l’impiété et la justice de ces hommes qui retiennent la vérité dans l’injustice ». Ici il indique que l’impiété a bien des voies et que la vérité n’en a qu’une : car l’erreur est variée, multiforme et pleine de confusion, tandis que la vérité est une. Après avoir parlé des dogmes, il parle de la conduite et mentionne l’injustice des hommes. Les injustices en effet, sont bien diverses : celle-ci a rapport à l’argent, quand quelqu’un vole son prochain ; celle-là aux femmes, quand on quitte la sienne pour abuser de celle d’un autre. C’est ce que Paul appelle une fraude, quand il dit : « Que personne n’opprime et ne trompe en cela son frère » (1Thes. 4,6) ; d’autres, tout en respectant la femme et l’argent du prochain, nuisent à sa réputation, ce qui est encore une injustice : « Car une bonne renommée est préférable à de grandes richesses ». (Prov. 22,1) Quelques-uns disent que Paul traite encore ici la question dogmatique : rien n’empêche d’admettre qu’il s’agit de l’un et de l’autre. Quant au sens de ces paroles : « Retienne la vérité dans l’injustice », vous l’apprendrez par la suite. « Car ils ont connu ce qui se peut découvrir de Dieu (19) ». Mais ils ont attribué cette gloire au bois et à la pierre.
2. De même que celui qui a la garde des trésors du roi et commission de les dépenser pour sa gloire, est puni comme coupable de lèse-majesté, s’il les distribue à des voleurs, à des prostituées et à des magiciens, de manière à les faire briller aux dépens du souverain ; ainsi en est-il de ceux qui ayant connu Dieu et sa gloire, ont prostitué cette gloire aux idoles, ont retenu la vérité dans l’injustice, outrageant leurs propres connaissances, autant qu’il était en eux, par l’abus qu’ils en faisaient. Comprenez-vous maintenant, ou faut-il vous expliquer cela plus clairement ? Peut-être faudrait-il aller plus loin. Quel est donc le sens de ces paroles ? Dieu s’est fait connaître aux hommes dès le commencement ; mais les Gentils appliquant cette connaissance à du bois, à de la pierre, ont outragé la vérité, autant qu’il était en eux ; car la vérité est immuable, et sa gloire ne saurait changer. Mais comment savons-nous, ô Paul, que Dieu s’est révélé à eux ? « Parce que », nous répond-il, « ils ont connu ce qui se peut découvrir de Dieu ». Mais c’est là une affirmation, et non une preuve ; démontrez-moi, faites-moi voir que la connaissance de Dieu leur a été donnée et qu’ils l’ont volontairement négligée. Comment donc était-elle manifeste ? Leur avait-il parlé d’en haut ? Nullement : mais il avait fait ce qui devait les attirer mieux qu’une voix : il avait créé l’univers, de manière à ce que le savant et l’ignorant, le scythe et le barbare, devinant la beauté de Dieu parle seul aspect des choses visibles, pussent remonter jusqu’à lui. Voilà pourquoi Paul dit : « En effet, ses perfections invisibles sont rendues compréhensibles depuis la création du monde, par les choses qui ont été faites… (20) » ; ce que le prophète disait déjà : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ».
Que disent alors les Grecs ? Nous vous avons ignoré. Eh ! n’avez-vous pas entendu le ciel parler par son seul aspect ; cette magnifique harmonie de l’ensemble, plus éclatante qu’un son de trompette ? Ne voyez-vous pas cette régularité constante de la nuit et du jour ? cette ordonnance fixe, invariable, de l’hiver, du printemps et des autres saisons ? la docilité de la mer au milieu du trouble et des tempêtes ? tout l’ensemble soumis aux lois de l’ordre, et, par sa beauté et par sa grandeur, proclamant l’ouvrier ? Résumant cela et bien d’autres choses encore, Paul dit : « Car ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles, aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité, de sorte qu’ils sont inexcusables ». Ce n’était point dans ce but que Dieu avait fait ces choses, bien que le résultat ait