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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/217

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s’en glorifie, et son maître lui-même honore les idoles, lui qui ordonne de sacrifier un coq à Esculape. Là on voit des images d’animaux et de reptiles, et parmi elles Apollon et Bacchus qui partagent le même culte. Quelques-uns de ces philosophes ont introduit dans le ciel des taureaux, des scorpions, des dragons et d’autres êtres non moins ridicules : car partout le démon s’est efforcé de rabaisser les hommes devant des images de reptiles, et de soumettre aux plus stupides des animaux ceux que Dieu voulait élever au-dessus du ciel. Et ce n’est pas en cela seulement, mais encore sur d’autres points, que vous verrez leur chef encourir les reproches dont nous venons de parler. Car quand il réunit les poètes et affirme qu’il faut admettre ce qu’ils disent de la divinité, il ne produit qu’un amas de niaiseries, il veut néanmoins qu’on croie comme vraies toutes ces absurdités.
« C’est pourquoi Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs, à l’impureté, en sorte qu’ils ont déshonoré leurs propres corps en eux-mêmes (24) ». Paul fait voir par là que l’impiété est le principe de la violation des lois. Ici « livrer » veut dire laisser aller. Car de même qu’un général d’armée en se retirant au fort de la mêlée, livre ses soldats, non pas précisément en les poussant vers l’ennemi, mais en les privant de son secours ; ainsi Dieu, après avoir fait tout ce qu’il devait faire, a abandonné ceux qui refusaient ses dons et s’éloignaient de lui les premiers. Et voyez pour enseignement il avait créé le monde, il avait donné à l’homme l’intelligence et une âme capable de comprendre le devoir. Les hommes de ce temps-là n’ont point usé de ces dons pour leur salut, mais les ont détournés à une fin toute contraire. Que fallait-il donc faire ? user de force et de violence ? Mais ce n’est plus faire des hommes vertueux. Il n’y avait donc plus qu’à laisser faire, et c’est le parti que Dieu a pris, afin que, ayant connu par expérience les objets de leurs désirs, ils se dérobassent à la honte. En effet, si le fils d’un roi, méprisant son père, aime mieux vivre parmi des brigands, des assassins ou des voleurs sacrilèges ; et préfère leur compagnie au séjour de la maison paternelle, le père l’abandonne jusqu’à ce que l’expérience lui ait fait sentir l’excès de sa folie.
4. Mais pourquoi l’apôtre ne mentionne-t-il pas d’autres péchés, comme par exemple l’homicide, l’avarice, et ne parle-t-il que de l’impureté ? Il me semble faire ici allusion à ceux qui l’écoutaient alors, et à ceux à qui s’adressaient sa lettre. « À l’impureté, en sorte qu’ils ont déshonoré leurs propres corps en eux-mêmes ». Voyez la force de ces expressions. Ils n’ont pas eu besoin, dit-il, que d’autres les déshonorassent ; ils se sont traités eux-mêmes comme les eussent traités des ennemis. Puis remontant encore à la cause, il ajoute : « Eux qui ont transformé la vérité de Dieu en mensonge, adoré et servi la créature plutôt que le Créateur (25) ». Il parle en particulier de ce qu’il y avait de plus ridicule, et en général de ce qui semblait plus sérieux, mais par l’un et par l’autre il montre que le culte de la créature était le propre des Grecs. Et voyez comme il explique sa pensée. Il ne dit pas simplement : ils ont adoré la créature, mais il ajoute : « Au lieu du créateur » ; faisant ressortir par là la gravité du crime et leur ôtant par ce rapprochement tout espoir de pardon.
« Qui est béni dans les siècles. Ainsi soit-il ». Mais Dieu n’en a point souffert, ajoute-t-il ; car il est béni dans les siècles. Il montre ici que si Dieu les a abandonnés, ce n’est point pour se venger, puisqu’il n’a éprouvé aucun dommage. S’ils lui ont fait injure, leur injure ne l’a point atteint ; sa gloire n’en a point été diminuée, mais il demeure toujours béni. Car si souvent un philosophe ne souffre point des injures qu’on lui adresse, à bien plus forte raison Dieu, nature indestructible et immuable, gloire invariable et immortelle. Et c’est en cela que les hommes ressemblent à Dieu, quand ils ne souffrent point des outrages, des injures, des coups, des railleries dont on les poursuit. Et comment cela se peut-il, direz-vous ? Cela est possible, très-possible : c’est en ne s’affligeant point de ces accidents. Et comment, dites-vous encore, ne pas s’en affliger ? Eh ! comment peut-on s’en affliger au contraire ? Dites-moi : si votre petit enfant vous injuriait, prendriez-vous ses injures pour des injures ? Vous en affligeriez-vous ? Pas le moins du monde ; autrement, ne seriez-vous pas ridicule au dernier point ? Soyons dans les mêmes dispositions à l’égard du prochain, et nous n’éprouverons rien de fâcheux, (ceux qui injurient ont moins de raison que des enfants) ; ne cherchons point à éviter les injures, supportons courageusement celles qu’on nous adresse, car