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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/221

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eux une loi, un ordre de leur législateur que la friction sèche[1] et la pédérastie fussent interdites aux esclaves ; ces privilèges, ou plutôt ces turpitudes, étaient réservées aux hommes libres. Cependant ils ne voyaient point là d’infamie ; c’étaient une chose honnête, mais trop relevée pour un esclave et digne seulement d’un homme libre : telle était l’opinion des Athéniens, le plus sage des peuples, et de leur illustre Solon. Et l’on retrouverait cette maladie dans beaucoup de livres de philosophes. Nous ne disons cependant pas pour cela que ce fût une loi pour tous, mais que ceux qui la subissaient, étaient misérables et dignes d’une grande pitié. Car ils éprouvaient ce qu’éprouvent les prostituées, et pire encore. En effet, chez celles-ci, le commerce est illégitime, mais non contre nature ; tandis que là il est tout à la fois illégitime et contre nature.
Et quand il n’y aurait pas d’enfer, ni aucune menace de supplice, le mal lui-même serait pire que – tout supplice. En parlant du plaisir qu’ils éprouvent, vous indiquez une aggravation de châtiment. Si je voyais un homme courir nu, tout couvert de boue, et se pavanant au lieu de rougir, bien loin de partager sa satisfaction, je le plaindrais, d’autant plus qu’il ne sentirait pas l’indécence de sa conduite. Pour mieux faire ressortir cette ignominie, souffrez que je donne un autre exemple. Si on condamnait une jeune fille à admettre de stupides animaux dans son lit virginal, à avoir commerce avec eux, et qu’elle y trouvât du plaisir, ne serait-elle pas d’autant plus à plaindre que l’absence de la honte rendrait sa maladie incurable ? Cela est évident pour tout le monde. Or si le mal serait grand ici, il ne l’est pas moins là : car il est plus triste d’être outragé par ses semblables que par des étrangers. J’affirme que ces hommes sont plus coupables que des homicides. Car il vaut mieux mourir que de vivre dans un tel opprobre. L’homicide ne fait que séparer l’âme du corps, tandis que celui-ci perd le corps et l’âme. Ce crime dépasse tous ceux que vous pouvez nommer ; et si ceux qui souffrent de tels outrages en sentaient la gravité, ils aimeraient mieux mourir mille fois que de les subir.
3. En vérité il n’y a rien, non rien de plus déraisonnable ni de plus affreux. Si en parlant de la fornication Paul disait : « Tout péché, quel qu’il soit, que fait l’homme, est hors de son corps ; mais celui qui commet la fornication pèche contre son propre corps » (1Cor. 6,18) ; que dirons-nous de ce désordre qui l’emporte sur la fornication plus qu’on ne saurait l’exprimer ? Car je ne dirai pas seulement que vous êtes devenu femme ; mais j’ajouterai que vous avez cessé d’être homme, que vous avez perdu votre nature sans prendre l’autre, que vous les avez trahies toutes les deux, et que vous méritez d’être chassé, lapidé par les hommes et par les femmes, puisque vous avez déshonoré l’un et l’autre sexe. Et pour vous faire bien comprendre l’énormité de votre crime : Si quelqu’un vous proposait de vous changer d’homme en chien, ne le fuiriez-vous pas comme un malfaiteur ? Et voilà que vous vous êtes vous-même changé, non pas en chien, mais en un animal bien plus vil : car un chien est utile, tandis que l’infâme n’est bon à rien. Dites-moi, je vous prie, si quelqu’un menaçait de faire enfanter les hommes, ne serions-nous pas enflammés de colère ? Mais ceux qui poussent la rage jusque-là, s’infligent un bien plus grave outrage : car ce n’est pas la même chose d’être changé en femme, ou de devenir femme tout en restant homme, ou plutôt de n’être ni l’un ni l’autre. Pour vous convaincre mieux encore de l’énormité de ce crime, demandez pourquoi les législateurs punissent ceux qui font des eunuques, et vous apprendrez que leur seule raison est que c’est là un amoindrissement de la nature. Or cette dernière injure est moins grave que l’autre ; car les eunuques, même après la castration, sont encore utiles ; tandis que rien n’est plus inutile que l’homme changé en prostituée ; puisque non seulement son âme, mais aussi son corps est plein d’ignominie et ne mérite que l’expulsion.
Combien faudrait-il d’enfers pour eux ? Si ce mot d’enfer vous fait rire, si vous y êtes incrédule, rappelez-vous le feu qui consuma Sodome ; car nous avons vu, oui, nous avons vu en ce monde une image de l’enfer. Car comme beaucoup devaient être incrédules à ce qui suivra la résurrection, en entendant parler d’un feu qui même ici-bas ne pouvait s’éteindre, ils sont revenus à la sainte doctrine, Dieu leur en donnant une preuve actuelle. Tel est en effet le résultat du feu et de l’incendie de Sodome ; ceux-là le savent qui

  1. La friction sèche était prise par les athlètes au sortir du bain.