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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/263

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son Fils, ne protégerait pas des amis, quand il n’est plus nécessaire que son Fils se livre ? Si l’on ne sauve pas quelqu’un, c’est qu’ors ne le veut pas, ou souvent encore parce qu’on ne le peut pas, quand même on le voudrait. Or, ni Puis ni l’autre ne peut, se dire de Dieu ; qu’il, l’ait voulu, cela est clair puisqu’il a donné son Fils ; qu’il le puisse, il l’a fait voir en justifiant des pécheurs. Qu’est-ce qui nous empêche donc de jouir des biens à venir ? Rien. Et pour que vous ne soyez pas couvert de confusion et de honte en entendant ces mots de pécheurs, d’ennemis, d’infirmes et d’impies, écoutez ce que dit l’apôtre : « Mais outre cela, nous nous glorifions en Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui maintenant nous avons reçu la réconciliation (11) ».
Qu’est-ce que signifie outre cela ? » non seulement, dit-il, nous avons été sauvés, mais nous nous glorifions de ce dont on voudrait nous faire un sujet de honte. En effet que nous ayons été sauvés quand nous vivions ainsi dans une telle malice, c’est la preuve d’une grande charité de la part de celui qui nous a sauvés. Et ce n’est point par des anges ou des archanges, mais par son Fils unique qu’il a opéré notre salut. Ainsi il nous a sauvés ; il nous a sauvés quand nous étions pécheurs, il nous a sauvés par son Fils unique, et non seulement par son Fils, mais par le sang même de ce Fils : voilà de quoi nous tresser mille couronnes de gloire. Car rien ne procure autant de gloire et n’excite autant la confiance que d’être aimé de Dieu et de le payer de retour. Voilà ce qui fait la splendeur des anges, des principautés et des puissances ; voilà ce qui l’emporte sur la royauté. Aussi Paul met-il cela au-dessus du pouvoir royal ; c’est ce qui me fait proclamer bienheureux les purs esprits, parce qu’ils aiment Dieu et qu’ils lui obéissent en tout. Voilà pourquoi le prophète les admirait en disant : « Puissants en vertu, exécutant sa parole » (Ps. 102) ; voilà pourquoi Isaïe exaltait les séraphins et indiquait leur grande vertu en ce qu’ils étaient, rapprochés de cette gloire : ce qui était le signe d’un très-grand amour.
4. Imitons donc, rions aussi, les puissances célestes, et efforçons-nous, non seulement de nous tenir près, du trône, mais de loger en nous Celui qui est assis sur le trône. Il a aimé ceux-mêmes qui le haïssaient et il continue à les aimer : car « Il fait lever le soleil sur les méchants et sur les bons et pleuvoir sur les justes et les injustes ». (Mt. 5,45) Rendez-lui donc amour punir amour ; car il vous aime. Mais s’il nous aime, direz-vous, comment sa fait-il qu’il nous menace de l’enfer, du châtiment et de la vengeance ? Précisément parce qu’il vous aime : pour couper en vous la racine du vice, pour refréner par la crainte votre penchant au mal, il met tout en œuvre, il ne néglige rien ; par les biens comme par les maux, il cherche à retenir votre inclination vers les choses de la terre, à vous ramener à lui, et – vous arracher à toute espèce de péché, qui est un mal pire que l’enfer. Que si vous riez de ce qu’on vous dit, si vous aimez mille fois mieux vivre dans le vice que d’être affligé un seul jour, il n’y a rien d’étonnant : c’est la preuve d’une âme basse, un signe d’ivresse et de maladie incurable.
Quand les petits enfants voient le médecin prêt à employer le feu et le fer, ils s’enfuient en poussant des cris de terreur et en se déchirant eux-mêmes ; ils aiment mieux périr de consomption que de subir une douleur momentanée pour jouir ensuite d’une bonne santé. Mais ceux qui sont intelligents savent que la maladie est pire qu’une opération, et une vie coupable plus triste que la punition car l’un, c’est le remède suivi de la bonne santé, et l’autre c’est la `mort et la souffrance prolongée. Or il est de toute évidence que la santé est préférable à la maladie ; ce n’est pas quand le brigand reçoit le coup mortel qu’il est juste de verser sur lui des larmes, mais quand il perce lui-même les murs et devient meurtrier. Si en, effet l’âme vaut mieux que le corps, comme elle vaut mieux réellement, sa perte est plus digne de pleurs et de gémissements ; et si elle ne la sent pas, elle n’en mérite que mieux les larmes. Il faut donc plaindre ceux qui sont brûlés de l’amour impur, bien plus que ceux que la fièvre travaille, et les ivrognes plus que ceux que l’on applique à la torture. Mais, dira-t-on, pourquoi préférons-nous l’un à l’autre ? Parce que, comme dit le proverbe, la plupart des hommes préfèrent le pire et le choisissent, au détriment du meilleur. C’est ce qui se voit en fait de nourriture, de conduite, de rivalité, de plaisir, de femmes, de maisons, d’esclaves, de champs, et dans tout le reste. Lequel, je vous le demande, est le plus doux d’avoir commerce avec un homme