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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/266

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Adam étant tombé, ceux mêmes qui n’avaient pas mangé du fruit de l’arbre sont tous devenus mortels à cause de lui. « Car le péché a été dans le monde jusqu’à la loi ; mais le péché n’était pas imputé, lorsque la loi n’existait pas (13) ».
Par ces expressions : « Jusqu’à la, loi », quelques-uns pensent que l’apôtre désigne le temps qui a précédé la promulgation de la loi : soit l’époque d’Abel, de Noé, d’Abraham, jusqu’à la naissance de Moïse. Quel était donc alors le péché ? Quelques-uns pensent qu’il s’agit ici du péché commis dans le paradis. car alors, dit-on, il n’était pas encore développé, mais son fruit apparaissait seulement dans sa fleur, et c’est lui qui a introduit la mort, laquelle exerçait sur tous, son empire tyrannique. Pourquoi donc l’apôtre ajoute-t-il : « Mais le péché n’était pas imputé, lorsque la loi n’existait pas ? » D’après l’objection des Juifs (dit-il), ceux qui partagent notre sentiment prétendent que l’apôtre a voulu dire : S’il n’y avait pas de péché avant la loi, comment la mort a-t-elle frappé ceux qui vivaient avant la loi ? Mais ce que je vais dire me semble plus raisonnable, et plus conforme à la pensée de l’apôtre. Qu’est-ce donc ? Après avoir dit que le péché a été dans le monde jusqu’à la loi, il me semble dire que, la loi une fois donnée, le péché né de la transgression, a établi son empire et l’a conservé tant que la loi a existé : car, selon lui, le péché ne pourrait subsister, si la loi n’était plus. Mais, dira-t-on, si c’est le péché né de la transgression qui a engendré la mort, pourquoi ceux qui vivaient avant la loi sont-ils tous morts ? Si la mort a sa racine dans le péché, si le péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de foi, comment la mort a-t-elle établi son empire ? Évidemment parce que ce n’est pas le péché né de la transgression de la loi, mais celui de la désobéissance d’Adam, qui a tout perdu. Et quelle en est la preuve ? C’est que tous ceux qui ont vécu avant la loi sont morts. « Mais la mort », nous dit-il, « a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient point péché ». Comment a-t-elle régné ? « Par une prévarication semblable à celle d’Adam qui est la figure de celui qui doit venir (14) ».
Voilà pourquoi Adam est le type du Christ. Comment cela, direz-vous ? Parce que, comme Adam, en mangeant du fruit défendu, est devenu la cause de la mort de ses descendants, bien qu’ils n’eussent point goûté du fruit de l’arbre ; ainsi le Christ est devenu pour ses fils, même prévaricateurs, l’auteur de la justice qu’il nous a procurée à tous par sa croix. C’est pourquoi Paul insiste partout et toujours sur ce point et le ramène sans cesse sous les yeux, en disant : « Comme le péché est entré dans le monde par un seul homme » ; et encore : « Beaucoup sont morts par le péché d’un seul homme » ; puis : « Il n’en est pas de la grâce comme du péché » ; puis : « Le jugement de condamnation vient d’un seul » ; et encore : « Car si par le péché d’un seul la mort a régné par un seul ». Et : « Ainsi donc, comme par le péché d’un seul » ; puis derechef : « De même que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs ». Il ne perd point de vue ce seul homme ; afin que quand le Juif vous dira : Comment, le Christ seul ayant mérité, le monde entier est-il sauvé ? vous puissiez lui répondre : Comment, Adam seul ayant désobéi, le monde entier a-t-il été condamné ?
Quoique du reste le péché ne soit point l’égal de la grâce, ni la mort de la vie, ni le démon de Dieu, mais qu’il y ait entre eux une distance infinie ; quand donc c’est de la nature des choses, et de la puissance de celui qui entreprend, et de la convenance (car il convient mieux à Dieu de sauver que de punir) ; quand c’est de tout cela, dis-je, que le triomphe et la victoire prennent naissance : quelle raison, dites-moi, quand il dit : « Mais il n’en est pas de la grâce comme du péché. Car si par le péché d’un seul beaucoup sont morts, bien plus abondamment la grâce et le don de Dieu, par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont répandus sur un grand nombre (15) ». C’est-à-dire : Si le péché, et le péché d’un seul homme, a au tant de pouvoir ; comment la grâce, et la grâce de Dieu, et non seulement du Père, mais aussi du Fils, ne serait-elle pas de beaucoup plus puissante ? Car cela est bien plus raisonnable. En effet, que l’on soit puni pour un autre, cela ne semble pas juste ; mais que l’on soit sauvé par un autre, c’est bien plus convenable et bien plus raisonnable. Or si l’un a eu lieu, à plus forte raison l’autre.
2. C’est ainsi que Paul prouve que c’est convenable et raisonnable, et, cela prouvé, il