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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/310

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voir que cette rétribution a cependant le caractère de la grâce ; d’une part, son but est de faire accepter ce qu’il avance par ceux mêmes qui hésitent, et empêcher de rougir ceux qui ont reçu le don, comme s’ils étaient toujours sauvés gratuitement ; de l’autre, il veut nous apprendre que Dieu rétribue toujours le travail bien au-delà du mérite : Aussi, d’un côté il a dit : « Pourvu que nous souffrions avec lui, afin d’être glorifiés avec lui » ; et de l’autre, il ajoute : « Les souffrances du temps présent n’ont point de proportion avec la gloire future qui sera révélée en nous (18) ». Plus haut il demandait de l’homme spirituel la réforme de ses mœurs, en disant : Vous ne devez pas vivre selon la chair ; par exemple, il faut que celui qui est sujet à la concupiscence, à la colère, à l’amour des richesses, à la vaine gloire, triomphe de ces passions ; ici, après lui avoir rappelé le don tout entier, le passé et le futur ; l’avoir exalté par l’espérance ; l’avoir placé près du Christ, et déclaré cohéritier du Fils unique, il l’exhorte à prendre courage et l’appelle enfin aux dangers. Eu effet, ce n’est pas la même chose de surmonter nos passions ou de supporter les épreuves extérieures, la flagellation, la faim, l’exil, la prison, les chaînés, le supplice, car tout ceci demande une âme plus généreuse et plus ardente.
Et voyez comme il contient et exalte tout à la fois l’esprit des combattants ! Après avoir : montré que la rétribution sera plus grande que le travail, il exhorte plus vivement, mais ne souffre pas qu’on s’enorgueillisse, puisque les peines sont bien au-dessous des récompenses. Il a même dit ailleurs : « Car les tribulations si courtes et si légères de la vie présente produisent en nous le poids éternel d’une gloire sublime et incomparable ». (2Cor. 4,17) Là il parlait à des hommes plut sages ; ici, il ne veut pas que les tribulations soient légères, mais il console par l’espoir de la récompense future, en disant : « Pour moi, j’estime que les souffrances du temps présent n’ont point de proportion… » Il n’ajoute pas : Du repos futur, mais ce qui est beaucoup plus : « De la gloire future ». En effet, là où il y a repos, il n’y a pas nécessairement gloire ; mais là où il y a gloire, il y a certainement repos. Ensuite, tout en disant gloire future, il indique qu’elle est déjà présente, puisqu’il ne dit pas : De la gloire qui sera, mais : De la gloire future qui sera révélée en nous, c’est-à-dire qui existe déjà, quoique cachée ; ce qu’il exprime ailleurs plus clairement, quand il dit « Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». (Col. 3,3) Comptez donc sur cette gloire ; car elle est déjà prête, elle attend votre travail. Que si le délai vous attriste, faites-vous-en, au contraire, un sujet de joie : c’est parce qu’elle est grande, ineffable, bien au-dessus de l’état présent, qu’on vous la tient en réserve pour l’autre vie. Car ce n’est pas sans raison que Paul dit : « Les souffrances du temps présent » ; c’est pour noirs faire voir que la gloire les surpasse, non seulement en qualité, mais aussi en quantité. En effet nos souffrances, quelles qu’elles puissent être, se terminent avec la vie présente ; mais les biens futurs s’étendent aux siècles infinis. Et comme il ne peut tout expliquer, tout dire en détail, il résume tout sous le nom de la gloire, la chose qui nous paraît la plus désirable : on la regarde en effet comme le sommaire, comme le comble de tous les biens.
Relevant encore son auditeur d’une autre manière, il parle pompeusement de la création, voulant établir deux points par ce qu’il va dire : le mépris des biens présents, le désir des biens à venir, et un troisième encore qui l’emporte sur les deux premiers : il veut prouver combien Dieu a à cœur les intérêts du genre humain, et en quel honneur il tient notre nature. Ensuite, au moyen de ce seul dogme, il détruit, comme des toiles d’araignée, comme de purs jeux d’enfants, tous les systèmes que les philosophes ont forgés sur ce monde. Mais pour mieux éclaircir ceci, écoutons-le parler : « Aussi la créature attend d’une vive attente la manifestation du Fils de Dieu. Car elle est assujettie à la vanité, non point volontairement, mais à cause de celui qui l’y a assujettie dans l’espérance (19, 20) ». C’est-à-dire : la créature éprouve de vives souffrances, dans l’attente des biens dont nous avons parlé, car le terme grec dont se sert l’apôtre[1] signifie une attente impatiente. Et pour rendre la figure plus vive, il personnifie le monde entier : comme faisaient aussi les prophètes, qui nous représentent les fleuves battant des mains, les rochers bondissant et les montagnes tressaillant d’allégresse, non pour nous faire croire que ce soient des êtres animés, ou capables de penser, mais pour

  1. Άποχαρηδοχία.