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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/320

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survient. C’est ce qu’il a fait dans la fournaise de Babylone. Il n’a pas empêché qu’on y jetât les trois saints, et quand ils y furent, il n’éteignit point la flamme ; mais il la laissa brûler pour les rendre par là même plus glorieux. A l’occasion des apôtres, il a fait constamment d’autres prodiges du même genre. S’il suffit à l’homme d’être sage pour savoir tourner en sens contraire la nature des choses, paraître au sein de la pauvreté plus a l’aise que les riches, et tirer de la gloire du mépris même dont ils sont l’objet ; à bien plus forte raison Dieu peut-il en faire autant, et beaucoup plus encore, à l’égard de ceux qui l’aiment. Une seule chose est nécessaire : l’aimer sincèrement, et tout le reste vient à la suite. Et de même que les choses qui semblent nuisibles sont profitables à ceux qui l’aiment ; ainsi, celles qui sont utiles deviennent nuisibles à ceux qui ne l’aiment pas. Les miracles, la pureté des dogmes, la sagesse de la doctrine ont fait tort aux Juifs ; à cause des miracles, ils appelaient le Christ démoniaque, à cause de sa doctrine ils le traitaient d’impie ; ils essayaient même de le faire mourir à raison de ses prodiges. D’autre part, le larron crucifié, percé de clous, accablé d’injures, souffrant des douleurs sans nombre ; non seulement n’en éprouva aucun dommage, mais en tira le plus grand profit. – Voyez-vous comme tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu ?
Après avoir établi que c’est là un grand bien, un avantage qui surpasse de beaucoup la nature humaine, comme cela semblait incroyable à un grand nombre, il le confirme par le passé, en disant : « Pour ceux qui, selon son décret, sont appelés ». Considérez qu’il parle ainsi en présupposant la vocation. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas dès l’abord appelé tous les hommes, ou pourquoi n’a-t-il pas appelé Paul avec les autres apôtres, puisque ce délai semblait désavantageux ? Et pourtant l’événement a prouvé que ce délai était utile. Il parle ici de décret, pour ne pas tout attribuer à la vocation, parce que les Gentils et les Juifs auraient pu le contre-dire. Si en effet la vocation avait suffi, pourquoi tous n’étaient-ils pas sauvés ? Voilà pourquoi il dit que ce n’est pas la vocation seule, mais le décret, qui a opéré le salut des élus : car la vocation n’imposait aucune nécessité, ne faisait point de violence. Tous donc étaient appelés, mais tous n’ont pas obéi. « Car ceux qu’il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à être cou« formes à l’image de son Fils ». Voyez-vous ce comble d’honneur ? Ce que le Fils unique était par nature, ceux-ci le deviennent par grâce. Et cependant il ne se contente pas de dire « Conforme » ; il y ajoute encore autre chose : « Afin qu’il fût lui-même le premier né (29) ». Et il ne se borne encore pas là, car il ajoute : « Entre beaucoup de frères », voulant en tout montrer le lien de parenté. Mais comprenez bien que tout ceci s’entend de l’Incarnation ; car, selon la divinité, le Christ est Fils unique.
2. Voyez-vous que de grâces il nous a accordées ? Ne doutez donc point de l’avenir ; car l’apôtre nous fait assez voir la Providence quand il nous parle de préfiguration. En effet, les hommes changent d’opinion d’après les événements ; mais les pensées de Dieu et ses dispositions à notre égard sont anciennes. L’apôtre dit donc : « Et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ». Il les a justifiés par la régénération du baptême. « Et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés (30) ». Il les a glorifiés par la grâce, par l’adoption. « Que dirons-nous donc après cela ? » C’est comme s’il disait : Ne me parlez donc plus de périls, ni d’embûches dressées de toutes parts. Si quelques-uns doutent encore de l’avenir, au moins ne peuvent-ils nier les bienfaits déjà accordés, par exemple l’amour de Dieu pour nous, la justification, la gloire. Or il a accordé tout cela par des moyens qui semblaient fâcheux ; ce que vous regardiez comme un opprobre, la croix ; la flagellation, les chaînes, c’est ce qui a restauré l’univers entier. Comme donc c’est par ses souffrances, en apparence si tristes, qu’il a procuré la liberté et le salut à tout le genre humain ; ainsi en agit-il avec vos propres souffrances, en les faisant tourner à votre gloire et à votre honneur. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous (31) ? »
Et qui n’est pas contre nous ? dira-t-on. Nous axons contre nous le monde entier, les tyrans, les peuples, nos parents, nos concitoyens ; et pourtant tous ces ennemis sont si loin de nous nuire qu’ils nous tressent malgré eux des couronnes, qu’ils nous procurent des biens infinis : la sagesse de Dieu tournant leurs embûches à notre gloire et à notre salut. Voyez-vous comme personne n’est contre nous ? Ce qui a augmenté la gloire de Job