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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/322

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il intercède en notre faveur, et nous conserve toujours la même affection. Car il ne s’est pas contenté d’être mis à mort ; pour nous donner une plus grande preuve de son amour, il n’a pas seulement payé de sa personne, il en engage encore un autre à agir dans le même but. C’est là uniquement ce que Paul entend par le mot intercéder ; employant une expression plus humaine, plus humble, pour désigner cet amour. Si on ne le prenait pas dans ce sens, le terme : « N’a pas épargné », entraînerait beaucoup d’absurdité. Et la preuve que c’est là ce qu’il veut dire, c’est qu’après avoir d’abord dit : « Est à la droite », il ajoute : « Il intercède pour nous » ; montrant par là tout à la fois que lé Fils est égal au Père, et que son intercession n’est point un indice d’infériorité, mais uniquement une preuve de son amour. Car comment celui qui est la vie et la source de tous les biens, qui a la même puissance que le Père, qui ressuscite les morts, qui vivifie, et qui fait tout le reste, comment, dis-je, aurait-il besoin d’intercéder pour nous être utile ? Comment celui qui, par sa propre puissance, a sauvé, de la condamnation ceux qui étaient désespérés et condamnés, qui les a faits justes et enfants de Dieu, qui les a conduits aux suprêmes honneurs, qui a réalisé ce qu’on n’eût jamais osé espérer ; comment, après avoir accompli tout cela et avoir fait asseoir notre nature sur le trône royal, aurait-il eu besoin de prier pour des œuvres plus faciles ?
Voyez-vous comme il est démontré de toutes manières que Paul ne parle ici d’intercession que pour faire comprendre l’ardeur, la vivacité de l’amour du Christ pour nous ? En effet, il est dit aussi que le Père exhorte les hommes à se réconcilier avec lui. « Nous faisons donc les fonctions d’ambassadeurs pour le Christ, Dieu exhortant par notre bouche ». (2Cor. 5,20) Et pourtant quand – Dieu nous exhorte, quand des hommes font les fonctions d’ambassadeurs pour le Christ vis-à-vis d’autres hommes, nous ne voyons rien là qui soit indigne de la majesté divine ; tout ce que nous en pouvons conclure, c’est l’étendue de l’amour de Dieu. Faisons de même ici. Si donc l’Esprit demande avec des gémissements inénarrables, si le Christ est mort, s’il intercède pour nous, si le Père n’a point ménagé pour vous son propre Fils, s’il vous a élu et justifié, que craignez-vous encore ? Quand vous êtes l’objet d’un tel amour, d’une telle Providence, pourquoi tremblez-vous ? Aussi, après avoir montré cette Providence, l’apôtre continue en toute liberté, et ne se contente plus de dire : Donc vous devez aussi l’aimer ; mais, comme saisi d’enthousiasme à l’aspect de cette bonté infinie, il s’écrie : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » Il ne dit pas : De Dieu ; tant il lui est indifférent de nommer le Christ ou Dieu. « Est-ce la tribulation ? Est-ce l’angoisse ? Est-ce la persécution ? Est-ce la faim ? Est-ce la nudité ? « Est-ce le péril ? Est-ce le glaive (35) ? »
Voyez la prudence de Paul : Il ne parle point des pièges où nous tombons tous les jours, de l’amour des richesses, de la passion de la gloire, de la tyrannie de la colère ; mais de choses bien plus tyranniques, qui font violence à la nature elle-même, qui ébranlent souvent malgré nous la fermeté du caractère, à savoir les tribulations et les angoisses. Bien que l’on puisse compter toutes ses expressions, néanmoins chacune d’elle renferme des milliers d’épreuves ; ainsi quand il parle d’affliction, il entend la prison, les chaînes, la calomnie, l’exil, toutes les misères ; d’un mot il parcourt un vaste océan de périls, d’une seule expression il indique tout ce qu’il y a de pénible pour l’homme. Et cependant il brave tout cela. Aussi procède-t-il par interrogation, comme si la contradiction était impossible, puisque rien ne peut séparer de l’objet de son amour celui qui est aimé à ce point et qui jouit du soin d’une telle Providence.
4. Ensuite, pour que ces épreuves ne soient pas considérées comme un signe de délaissement, il cite le prophète qui les a prédites longtemps d’avance en ces termes : « A cause de vous nous sommes mis à mort tout le jour, on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie (36) », c’est-à-dire Nous sommes exposés à subir des mauvais traitements de la part de tout le monde, néanmoins contre tant et de si grands périls, contre tant de nouvelles et sanglantes cruautés, une consolation nous suffit : la raison même de ces combats, non seulement elle nous suffit, mais elle dépasse de beaucoup nos besoins. Car, ce n’est pas pour les hommes ni pour rien de terrestre que nous souffrons tout cela, mais pour le Roi de l’univers. Et ce n’est point là la seule couronne que Dieu réserve à