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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/517

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est, en effet, toujours de son côté, comme dit le prophète : « Et tu triompheras dans les jugements ». (Psa. 50,6) Mais si nous n’avons pas enfreint la justice à l’égard de notre prochain, si nous pouvons montrer que nous avons subi l’iniquité, alors nous serons justifiés. Mais puisque nous sommes déjà vêtus, pourquoi nous dire encore : « Revêtez-vous ? » C’est qu’il parle maintenant de la conduite et des actions. Notre premier vêtement nous est venu du baptême : celui-ci, nous le devrons à nos œuvres, non plus selon les désirs de l’erreur, mais selon Dieu. – Mais la sainteté en quoi consiste-t-elle ? Dans la pureté, dans l’acquittement de notre dette. Nous employons une expression tirée de là pour désigner les derniers devoirs rendus aux morts : c’est comme si nous disions : Je ne leur dois plus rien, ils n’ont plus rien à réclamer de moi. Nous nous servons encore de termes de ce genre pour dire : « J’ai payé mon tribut, je suis quitte[1] »

3. C’est donc à nous qu’il appartient de ne pas quitter ce vêtement de justice que le prophète appelle encore vêtement de salut, afin de nous rendre semblables à Dieu, qui, lui aussi, est vêtu de justice. Tel doit être notre vêtement. Quant à cette expression revêtir, elle revient à celle-ci : Ne jamais quitter. Écoutez plutôt le langage du prophète : « Il a revêtu la malédiction comme un vêtement, et elle viendra à lui » ; et encore : « Celui qui se revêt de lumière comme d’un manteau ». (Ps. 108,18 et 103, 2) Nous employons de même cette expression en parlant des hommes ; nous disons : « Un tel s’est revêtu d’un tel ». Ainsi donc ce n’est pas un jour, ni deux, ni trois, c’est toujours que nous devons rester dans la vertu, sans jamais nous dépouiller de ce vêtement. En effet, il y a moins d’indécence pour l’homme à avoir le corps nu, qu’à se montrer dépouillé de vertu. Dans le premier cas, son indécence n’a pour témoins que les compagnons de son esclavage ; dans le second les témoins sont le Maître et les anges. Ne seriez-vous pas choqué, dites-moi, si vous voyiez un homme paraître tout nu sur la place publique ? Que dirons-nous donc de vous, qui courez sans le vêtement dont je parle ? Ne voyez-vous pas en quel état circulent ces mendiants que nous appelons « Lotages », et quelle pitié ils nous inspirent ? Néanmoins ils sont sans excuse : nous ne pardonnons point à des gens qui ont perdu leurs habits en jouant aux dés. Comment donc Dieu pourrait-il nous pardonner, si nous perdons le vêtement de la vertu ? Dès que le diable voit un homme dépouillé de vertu, aussitôt il lui noircit le visage, le souille, le meurtrit, et le soumet à toutes sortes de violences. Dépouillons-nous des richesses pour n’être point dépouillés de la justice : les richesses ne font que gâter ce vêtement : elles sont comme un manteau d’épines ; plus nous porterons sur nous de ces épines, plus notre nudité augmentera. L’incontinence nous dépouille aussi de notre vêtement : car c’est un feu, un feu qui le consume. L’argent est une teigne : comme la teigne, il ronge tout et n’épargne pas même les étoffes précieuses. Jetons donc bas toutes ces choses, afin que nous devenions justes, afin que nous revêtions l’homme nouveau. Ne conservons rien d’ancien, rien d’apparent, rien de corruptible. La vertu n’est pas si difficile à acquérir ni à pratiquer.

Considérez ceux qui vivent sur les montagnes : ils quittent maison, femmes, enfants, affaires : isolés du monde, revêtus d’un cilice, couverts de cendres, le cou emprisonné, ils s’enferment dans un humble réduit, et, non contents de cela, ils s’épuisent de jeûnes prolongés. Si je vous prescrivais d’en faire autant, ne vous enfuiriez-vous pas tous au loin ? Ne déclareriez-vous pas mes exigences intolérables ? Je ne réclame rien de pareil : je me borne à souhaiter, sans imposer rien. Prenez des bains, soignez votre corps, allez sur la place publique, gardez votre maison, vos serviteurs, buvez et mangez ; mais bannissez impitoyablement la cupidité. Voilà l’origine du péché : tout excès devient péché : ainsi la cupidité n’est pas autre chose. Voyez plutôt quand la colère outrepasse ses justes bornes, alors elle déborde en injures, elle s’emporte à toutes les iniquités de même pour l’amour sensuel, pour l’amour des richesses, de la gloire, que sais-je encore ? Et ne venez pas me dire que les hommes dont je parle ont pu ce qui vous est impossible : beaucoup étaient plus malades que vous, plus riches, plus voluptueux, qui ont embrassé cette sévère et rigoureuse règle de vie.

  1. Ce passage ne peut être rendu qu’approximativement en français, vu l’impossibilité de trouver parmi les dérivés de notre mot saint, des équivalents propres à exprimer toutes ces idées.