Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/549

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mots de père, de mère, d’enfant, de frère, d’ami, dit : « Ton affection est tombée sur moi comme l’amour des femmes ». (1Sa. 1,26) C’est qu’il n’est pas, non, il n’est pas de sentiment plus impérieux que celui-là. Il y a d’autres affections vives : mais cette passion réunit la durée à la vivacité. Au fond de notre nature est un amour caché qui, par un secret instinct, opère cette union des sexes. C’est pour cela que, à l’origine, de l’homme est sortie la femme, et que, depuis, homme et femme procèdent de l’homme et de la femme. Voyez-vous cette association parfaite, cet entrelacement, par où Dieu a pourvu à ce qu’aucune essence étrangère ne pénétrât dans la nôtre ? Et voyez combien de soins il a pris. Il a permis que l’homme épousât sa propre sœur, ou plutôt sa fille, ou plutôt encore sa propre chair. Pour consommer entre eux une union parfaite, il a pris les choses à l’origine, comme lorsqu’il s’agit de bâtir. Il n’a pas fait la femme d’une autre substance, afin que l’homme ne vît pas en elle une étrangère ; et il n’a pas borné l’institution du mariage à ce premier couple, de peur que l’homme ne s’enfermât dans la solitude et ne vécût séparé de ses semblables. Et de même que les plantes les plus belles sont celles qui, s’élevant d’une souche unique, se développent en une quantité de rameaux, et s’il y avait beaucoup de racines, l’arbre n’aurait plus rien de remarquable ; de même, Dieu voulut que du seul Adam sortît toute notre espèce, nous contraignant par là de rester unis et associés. Et afin de resserrer davantage nos liens, il n’a plus voulu que l’on épousât sa sœur ni sa fille : car alors notre affection aurait été concentrée sur un objet unique, et ç’eût été parmi nous une autre cause de désunion. De là ces paroles : « Celui qui les a faits au commencement, les a faits mâle et femelle ».

C’est l’origine de grands maux, de grands biens aussi, pour les familles, pour les cités. En effet, la société humaine n’a pas de lien aussi fort que l’amour entre l’homme et la femme : c’est aussi la cause de bien des batailles et de bien des damnations. Ce n’est pas sans raison ni sans motif que Paul attache à cette union une si grande importance, et dit : « Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur ». Pourquoi ? Parce que si les époux sont unis, les enfants sont bien élevés ; les serviteurs, obéissants : voisins, amis, parents, profitent de la bonne odeur que répand ce ménage. S’ils sont désunis, tout est dans le désordre et la confusion : ainsi que tout est dans l’ordre quand les chefs vivent en paix, et que leurs dissensions provoquent une perturbation générale. D’où ces paroles : « Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur ». Mais quoi ! d’où vient donc qu’il est écrit ailleurs : Si quelqu’un ne renonce pas à sa femme, à son mari, il ne peut me suivre ? S’il faut être soumis comme au Seigneur, comment peut-il être dit qu’il faut renoncer pour le Seigneur ? Oui, il faut être soumis : mais le mot « Comme » n’indique point nécessairement parité. Ou Paul veut dire : Comme sachant que vous servez le Seigneur ; c’est ce qu’il indique ailleurs en disant que si l’on ne fait pas une chose pour son mari, il faut la faire pour le Seigneur ; ou bien encore : Quand vous cédez à votre mari, croyez que vous lui obéissez comme servante du Seigneur. En effet, si « Celui qui résiste à la puissance extérieure et civile, résiste à l’ordre de Dieu » (Rom. 13,2), à plus forte raison est-ce vrai de l’épouse insoumise. C’est ainsi que Dieu a statué dès l’origine. Représentons-nous donc le mari comme tenant le rang de chef ; la femme, comme occupant la place du corps. Ensuite il a recours au raisonnement : « Parce que l’homme est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Église, et il est aussi le sauveur de son corps. Comme donc l’Église est soumise au Christ, ainsi le soient en toutes choses les femmes à leurs maris ». Après avoir dit : « L’homme est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Église, et il est aussi le sauveur », il ajoute : « De son corps ». Car la tête est le salut du corps. Voilà le précepte de l’amour et celui de la protection établie pour l’homme et pour la femme : Paul assigne à chacun sa place, à l’un l’autorité et la protection ; à l’autre, la soumission.

2. « Comme donc l’Église est soumise au Christ » : l’Église, hommes et femmes ; « Ainsi le soient les femmes à leurs maris », comme à Dieu. « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église (25) ». Vous avez entendu quelle complète soumission il prescrit : vous avez approuvé et admiré Paul comme un homme supérieur et spirituel, pour avoir resserré ainsi notre société. Écoutez