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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/579

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aura paix. « Avec la foi ». La charité n’est bonne à rien, sans la foi : ou plutôt, sans la foi, la charité est impossible. « Et que la grâce soit avec tous ceux qui aiment Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Ici il distingue et met à part ces deux choses, la paix et la grâce. « Dans l’incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Qu’est-ce à dire, « Dans l’incorruptibilité ? » Cela signifie ou avec sagesse, ou encore pour les choses incorruptibles : et non pour l’argent et la gloire. « Dans », c’est, par. « Par incorruptibilité », c’est-à-dire par vertu. Car tout péché est une corruption : et si l’on emploie ce mot en parlant d’une vierge séduite, on peut aussi l’appliquer à l’âme. C’est pour cela que Paul a dit : « Que vos pensées ne soient jamais corrompues », et ailleurs : « L’incorruptibilité dans la doctrine ».

5. Qu’est-ce, en effet, dites-moi, que la corruption du corps ? N’est-ce pas une dissolution générale qui en atteint jusqu’à la charpente ? La même chose arrive pour l’âme, une fois que le péché s’y est introduit. La beauté de l’âme, c’est la chasteté, la justice ; la santé de l’âme, c’est le courage, la sagesse. La laideur est le partage du débauché, de l’avare, de celui qui fait le mal : le pusillanime, le lâche, sont des infirmes, des malades. On voit donc clairement par là que les péchés engendrent la corruption, puisqu’ils nous rendent laids, infirmes, et ébranlent notre santé. Si nous employons justement le même mot en parlant d’une vierge séduite, ce n’est pas seulement en vue de l’atteinte qu’a reçue sa personne, c’est encore en vue de la faute commise : car il ne s’agit que d’une union charnelle : et si ce fait constituait une corruption, il faudrait voir une corruption dans le mariage. Ce n’est donc pas le rapprochement des sexes qui fait la corruption, mais bien le péché : car, en péchant, la fille s’est déshonorée. Considérons encore les choses par un autre côté : Pour une maison, la corruption, la perte, qu’est-ce autre chose que la ruine ? En toutes choses la corruption consiste dans le passage à un état pire qui se substitue à l’état précédent et n’en laisse subsister aucune trace. Écoutez plutôt ce que dit l’Écriture : « Toute chair a corrompu sa voie » (Gen. 6,12) ; et ailleurs : « Dans une corruption insupportable » ; et encore : « Des hommes d’un esprit corrompu ». (2Ti. 3,8) Notre corps est périssable, mais notre âme est immortelle de sa nature. N’allons donc pas la corrompre, elle aussi. La mort du corps est l’effet de l’ancien péché : mais les péchés commis après le baptême ont le pouvoir de gâter l’âme elle-même, et de la mettre à la merci du ver immortel, qui ne la toucherait point, si elle n’était tombée en corruption. Le ver ne s’attaque point au diamant : quand bien même il y toucherait, ce serait en pure perte. Gardez-vous donc de corrompre votre âme : car la corruption produit l’infection. Écoutez plutôt le prophète : « Mes plaies ont été remplies d’infection et de pourriture, à cause de ma folie ». (Psa. 37,6) Or une de ces corruptions revêtira l’incorruptibilité, l’autre, non (car l’incorruptibilité ne sera que l’incorruptibilité d’une corruption). Il y a donc une corruption incorruptible, c’est-à-dire sans fin, il y a une mort immortelle ; ce qui serait le cas, si le corps demeurait immortel. Si donc, quand nous quittons la terre, nous portons en nous la corruption, cette corruption sera incorruptible et sans fin. En effet, brûler et n’être point consumé, être dévoré éternellement par un ver, c’est une corruption incorruptible. Une chose analogue arriva pour le bienheureux Job : il était en corruption et ne périssait pas : quand il se grattait, il sortait de la poussière avec du pus de son corps, et cela pendant longtemps. C’est un supplice analogue que l’âme endurera alors, assaillie et rongée par les vers, non pendant deux années, ni trois, ni dix, ni cent, ni dix mille, mais durant un temps infini. « Leur ver ne périra point, est-il écrit ». (Mrc. 9,45)

Craignons, redoutons ces paroles, je vous en conjure, afin de ne pas les voir se réaliser pour notre malheur. C’est une corruption que l’avarice, une corruption pire que toute autre, qui conduit à l’idolâtrie. Fuyons la corruption, visons à l’incorruptibilité. Vous avez fait tort à un tel ? Ce tort est passager, mais l’avarice demeure ; la corruption devient un principe d’incorruptibilité ; la jouissance passe, mais le péché reste incorruptible. C’est un terrible malheur que de ne pas se purifier complètement dans la vie présente : c’est une grande infortune que de partir pour l’autre vie tout chargé de péchés. « Dans l’enfer, qui vous confessera ? » (Psa. 6,6) Au jour du jugement, il n’est plus temps de se repentir. Quels