Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour lui une bonne partie des champs. – Et quoi donc ? De ce qu’il possède ces terrains, s’ensuit-il qu’il en jouisse tout seul ? Nullement, quoi qu’il veuille. Il est obligé en effet de distribuer les fruits qu’il récolte ; c’est pour vous qu’il fait venir le blé, le vin et l’huile, et partout il soigne vos propres intérêts. C’est encore pour vous qu’il élève à si grands frais, au prix de tant, de travaux, ces palais et ces enceintes, dont il vous livre là jouissance, moyennant une somme modique d’argent. Les bains et tout le reste vous montrent que les riches sont accablés de dépenses, de soucis et de travaux ; les pauvres profitent de tout cela pour quelques oboles, et ils en' jouissent dans la plus grande sécurité. Non, le riche ne jouit pas plus des fruits de la terre que vous n’en jouissez, vous-mêmes : il n’a pas dix ventres à – rassasier tandis que vous n’en avez qu’un. – Mais ses mets sont plus délicats ? – Qu’importe, vraiment ? Au contraire, le pauvre a encore ici l’avantage. Ce luxe d e la table volis semble désirable en ce qu’il donne plus de plaisir. Le pauvre en goûte bien davantage, puisqu’il a pour lui la santé. Tout ce qui revient au riche de tant de somptuosité, c’est l’affaiblissement du corps et le germe de nombreuses maladies. Le pauvre dans son régime prend conseil de la nature ; mais le riche mange avec dérèglement, et les excès n’engendrent que faiblesse et corruption.
6. Un exemple vous le fera mieux comprendre. Allumez un bûcher ; jetez-y des robes de soie ; les tissus les plus fins ; qu’un autre jette des branches de chêne ou de pin ? Que vous restera-t-il de plus qu’à lui ? Rien assurément ; vous aurez même moins de reste que lui.. Comment cela ? Rien ne nous empêche de modifier cet exemple. On jette du bois sur un bûcher, sur un autre des cadavres ; près duquel resterez-vous de préférence ? Celui que le, bois alimente, ou bien relui où les cadavres sont entassés ? Le premier, sans aucun doute, il n’y a rien que de naturel dans les flammes de ce bûcher, et il vous offre un spectacle agréable L’autre au contraire, par la graisse qui ruisselle de toutes parts, par le sang que l’on voit couler ; l’épaisse fumée qui s’en élève, la puanteur qui s’en exhale, fera fuir tout le monde. Ce tableau voue fait horreur, et volts ne pouvez le regarder. Eh bien ! voilà les ventres des riches, vous y trouverez plus de pourriture que dans ce bûcher. Quelle haleine fétide, quelles exhalaisons pestilentielles, quel malaise dans tout le corps et dans chaque partie du corps, résultat d’une nourriture trop abondante. Quand la chaleur naturelle ne suffit plus pour digérer les aliments, quand elle est comme engloutie sous leur masse, ils pèsent sur l’estomac, y produisent des vapeurs, et causent un malaise général.
Ces ventres, à quoi les comparerai-je encore ? Ne vous offensez pas de ce que je vais dire. Si je ne dis pas la vérité, reprenez-moi. Oui, à quoi puis-je comparer les ventres des riches ? Car tout ce que nous avons dit ne suffit pas encore pour peindre leur misère. Voici donc un autre tableau. Dans les cloaques où il y a, quantité de fumier, de paille, de jonc, de pierres, de boue, il se produit souvent des obstructions, et alors toute la boue remonte comme un flot à la surface. C’est ce qui se passe dans leurs ventres : il est aussi obstrué, et les matières corrompues refluent vers le haut du corps. Chez les pauvres, il en est tout autrement. Semblables à des fontaines d’où s’écoule une onde pure et qui arrosent, les jardins et les prairies, leurs ventres sont vides de toute cette corruption. Les riches au contraire, ou plutôt ceux qui s’abandonnent aux délices de la table, sont tout remplis d’humeurs malfaisantes, de sang corrompu, de déjections pourries. Aussi ne peuvent-ils garder longtemps leur santé ; sans cesse ils sont malades. Aussi il me prend, envie de leur demander pourquoi la nourriture nous a été accordée, si c’est pour nous donner la mort, ou pour soutenir notre vie ? Si c’est pour ruiner notre santé, ou bien pour l’entretenir ? Pour cous affaiblir ou nous fortifier ? Il est bien évident que la nourriture est destinée à entretenir chez nous la santé et les forces. Pourquoi donc en abuser, pourquoi l’employer à rendre le corps infirme et malade ? Le pauvre au contraire, par une nourriture simple et frugale, se ménage une santé robuste. Cessez donc de déplorer une pauvreté qui vous donne la santé ; réjouissez-vous plutôt d’être pauvres ; et si vous voulez être riches, méprisez les richesses. La vraie richesse consiste taon pas à posséder les richesses, mais à ne pals même les désirer : Ah ! si nous arrivons à ce dégagement des biens de la terre, mous serons plus abondamment pourvus que les riches et nous obtiendrons les biens de la vie future. Puissions-nous y