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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/103

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sont à l’ancre une sécurité profonde ; telle est la maison de Dieu ; elle dérobe les hommes qui y entrent au tourbillon du monde et elle leur offre un calme et tranquille abri où ils peuvent entendre la voix de Dieu. Cet asile est une occasion de vertu, une école de sagesse ; non-seulement au moment de l’assemblée, pendant qu’on lit les Écritures, pendant que l’instruction descend de la chaire, et que les vénérables Pères siègent à leurs places, mais encore en tout autre temps ; à quelque heure en effet que vous entriez dans l’église, aussitôt vous sentez vos épaules déchargées du fardeau de la vie. Dès le premier pas que vous faites – dans ce sacré parvis, une sorte d’atmosphère spirituelle vous enveloppe, une paix profonde saisit votre âme d’une religieuse terreur, y fait pénétrer la sagesse, élève votre cœur, vous fait oublier le monde visible, et vous emporte de la terre jusqu’au ciel. Si l’on profite tant à venir ici, même en dehors de l’assemblée, que sera-ce lorsque la voix éclatante des prophètes s’y fait entendre, lorsque les Apôtres y prêchent l’Évangile, lorsque le Christ est sur l’autel, lorsque le Père agrée les mystères qui s’accomplissent, lorsque le Saint-Esprit apporte les joies de l’amour divin ! quelle abondance de grâces ne recueillent pas alors ceux qui sont présents ! de quels avantages ne se privent pas ceux qui sont absents !
Je voudrais bien savoir où sont maintenant ceux qui n’ont pas daigné venir à cette assemblée, quelle affaire les retient éloignés du banquet sacré, de quoi ils s’occupent… Ou plutôt je ne le sais que trop : ils s’entretiennent de sujets absurdes et ridicules, ou bien ils sont rivés aux intérêts de la vie présente, occupations l’une et l’autre inexcusables et punissables du plus grand supplice. Pour les premiers, cela s’entend de soi-même sans démonstration ; quant à ceux qui nous objectent leurs affaires domestiques, prétendant y trouver une raison d’absolue nécessité pour s’exempter de venir ici une fois la semaine, donnant le pas aux intérêts du ciel sur ceux de la terre un jour sur sept, ils n’ont pas davantage de pardon à espérer, j’en atteste l’Évangile, qui s’exprime à ce sujet de la manière la plus claire. C’étaient précisément là les prétextes allégués par les conviés des noces spirituelles : l’un avait acheté une paire de bœufs, l’autre avait fait acquisition d’un champ, un autre s’était marié, ce qui n’empêcha pas qu’ils furent tous punis. (Luc. 14, 18-20) Ces raisons n’étaient pas sans gravité ; mais, contre un appel de Dieu, il n’y a pas de raison qui puisse prévaloir. Dieu est la première de nos nécessités ; il faut premièrement lui rendre l’honneur qui lui est dû, et ne vaquer qu’ensuite aux autres occupations. Est-ce qu’un serviteur s’occupe de ses propres intérêts avant d’avoir pourvu à ceux de son maître ? Et quand on montre tant de respect et de soumission pour des maîtres mortels, dont le pouvoir n’est que nominal et de convention, et qui ne sont au fond que nos compagnons de servitude, n’est-il pas absurde de ne pas avoir au moins les mêmes égards pour Celui qui est vraiment le Maître non-seulement des hommes, mais encore des puissances d’en haut ? Oh ! si vous pouviez descendre dans ces consciences mondaines, quel affligeant spectacle vous offriraient les plaies qui les rongent, les épines qui les couvrent ! Comme une terre privée des bras du laboureur ne tarde pas à devenir stérile et sauvage, ainsi l’âme privée des enseignements divins ne produit que des épines et des chardons.
Si nous, qui chaque jour prêtons l’oreille aux discours des prophètes et des apôtres, nous avons tant de peine à contenir l’impétuosité de notre caractère, à refréner notre colère, à réprimer nos convoitises, à nous défaire de la rouille de l’envie ; si, dis-je, malgré les puissants enchantements des divines Écritures, dont nous faisons un usage perpétuel pour assoupir nos passions, nous avons tant de peine à contenir ces bêtes farouches, quel espoir de, salut reste donc à ceux qui n’usent jamais de ces remèdes, qui ne prêtent jamais l’oreille aux enseignements de la divine Sagesse ? Je voudrais pouvoir vous montrer leur âme… Comme vous la verriez sordide et malpropre, abjecte, confuse et honteuse ! Comme le corps qui ne connaît pas l’usage des bains, l’âme qui ne se purifie pas au bain de la doctrine spirituelle contracte toutes sortes de malpropretés et de souillures par le péché. Oui, vos âmes trouvent ici un bain spirituel auquel le feu de l’Esprit-Saint communique la vertu d’enlever toute souillure ; ce feu de l’Esprit-Saint efface même jusqu’à la couleur de pourpre : Quand même vos péchés seraient couleur de pourpre, je vous rendrai blancs comme la neige. (Isa. 1, 18) Bien que la tache du péché prenne sur l’âme avec non moins d’énergie que la teinture de pourpre sur la laine, je puis changer cet état