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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/120

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elle est pour moi et la condition de ma santé, et la source de ma joie. Eh bien ! donc, puisque par la grâce de Dieu nous nous sommes retrouvés mutuellement, il faut que nous vous payions la dette de la charité, si une telle dette se peut jamais payer. C’est qu’en effet, elle est la seule des obligations qui ne connaisse point de terme ; plus on s’en acquitte, plus elle se prolonge, et si en fait d’argent nous donnons des éloges à ceux qui ne doivent rien, ici nous félicitons ceux qui doivent beaucoup. C’est pourquoi saint Paul, le docteur des nations, a écrit cette parole : Ne soyez redevables de rien à personne, excepté de la charité mutuelle (Rom. 13,8), voulant que nous nous acquittions sans cesse de cette obligation, tout en continuant d’y être tenus, et que jamais nous ne soyons affranchis de cette dette jusqu’au jour où nous le serons de la vie présente elle-même. Si donc une dette pécuniaire est un poids et une gêne, c’est, au contraire, une chose blâmable de ne pas devoir toujours la dette de la charité. Et pour preuve, écoutez avec quelle sagesse cet admirable docteur amène ce conseil. Il commence par dire : Ne soyez redevables de rien à personne; puis il ajoute : excepté de la charité mutuelle. Il veut que nous acquittions toutes nos autres dettes ici-bas, mais il entend que pour cette dernière il n’y ait jamais d’extinction possible. En effet, c’est elle surtout qui forme et discipline notre vie. Eh bien ! donc, puisque nous connaissons tout le profit à retirer de cette dette, puisque nous savons qu’on ne fait que l’augmenter en s’en acquittant, efforçons-nous aujourd’hui, nous aussi, de tout notre pouvoir, de payer celle que nous avons contractée envers vous, non par nonchalance ni ingratitude, mais par l’effet du mauvais état de notre santé ; acquittons – nous, en adressant quelques paroles à votre charité, et, en prenant pour sujet de cet entretien l’Apôtre lui-même, ce merveilleux docteur du monde, mettons, sous vos yeux, et méditons à fond ce qu’il disait aujourd’hui en écrivant aux Romains ; servons ainsi à votre charité le festin spirituel que nous avons été longtemps sans vous offrir. Quelles sont ces paroles que nous avons lues ? Il est nécessaire de vous le dire, afin que les ayant présentées à votre souvenir, vous saisissiez mieux ce que nous vous dirons.Nous savons, dit l’Apôtre, que tout tourne à bien à ceux qui aiment, Dieu. (Rom. 8,28) Quel est le but de cette entrée en matière ? Car cette âme bienheureuse ne dit rien au hasard, ni en pure perte, mais elle applique toujours aux maux qui se présentent les remèdes spirituels qui leur conviennent.
Quel est donc le sens de ses paroles ? De nombreuses épreuves assiégeaient de toutes parts ceux qui s’avançaient alors dans la foi, les ruses de l’ennemi se succédaient incessamment, ses embûches étaient continuelles ; ceux qui combattaient avec l’arme de la prédication n’avaient point de relâche : les uns étaient jetés en prison, d’autres en exil, on traînait les autres à mille abîmes divers ; en conséquence, il agit comme un excellent général, qui, voyant son adversaire respirer la fureur, parcourt les rangs de ses soldats, relève partout leur courage, les fortifie, les prépare au combat, augmente leur audace, accroît leur désir d’en venir aux mains avec l’ennemi, les enhardit à ne pas craindre ses attaques, mais à se tenir en face, la fermeté dans le cœur pour le frapper, s’il est possible, au visage même, et ne point s’effrayer de lui résister. De même le bienheureux apôtre, cette âme d’une élévation toute céleste, voulant réveiller les pensées des fidèles, et brûlant de relever leur âme en quelque sorte gisante à terre, commença par leur dire : Or nous savons que tout tourne à bien à ceux qui aiment Dieu. Voyez-vous la prudence apostolique ? Il n’a point dit : Je sais, mais : Nous savons ; il les range eux-mêmes dans le nombre de ceux qui conviennent de ce qu’il dit, que tout tourne à bien à ceux qui, aiment Dieu. Considérez aussi l’exactitude du langage de l’Apôtre. Il n’a pas dit : Ceux qui aiment Dieu échappent aux maux, sont délivrés des épreuves ; mais : Nous savons, c’est-à-dire, nous sommes assurés, nous avons la certitude ; l’expérience nous a démontré : Nous savons que tout tourne à bien à ceux qui aiment Dieu.
2. Quelle force ne trouvez-vous pas dans cette courte expression : Tout tourne à bien ? En effet, n’allez pas me parler des avantages d’ici-bas, ne songez pas seulement au bien-être et à la sécurité, mais aussi à ce qui leur est tout opposé : à la prison, aux tribulations, aux embûches, aux, attaqués journalières, et alors vous verrez parfaitement la portée de cette parole. Et pour ne pas entraîner au loin votre charité, prenons, si vous le voulez bien, quelques petits faits parmi ce qui arriva au bienheureux apôtre, et vous verrez la force de ce