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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/13

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commencé à le suivre, ne tardera pas à se répandre dans toute la ville, et je passerai à un autre, je veux dire à la colère qu’il faut savoir mépriser et dompter.
Car de même que sur une lyre une seule corde ne peut produire de mélodie, mais qu’il faut les parcourir toutes avec le rythme convenable ; de même, quant à la vertu que doit posséder notre âme, il ne suffit pas pour le salut de n’observer qu’une loi, ce que j’ai déjà dit, mais il faut les garder toutes avec exactitude, si nous voulons produire une harmonie plus suave et plus utile que toute harmonie. Votre bouche a appris à ne plus jurer, votre langue à ne dire, en toute circonstance, que oui et non ; apprenez de plus à éviter toute parole injurieuse et à apporter à l’observation de ce commandement d’autant plus d’ardeur qu’elle requiert plus de travail. Pour le serment, il ne s’agissait que de vaincre une habitude ; pour la colère, il faut de plus grands efforts. C’est une passion tyrannique qui entraîne ceux mêmes qui sont en garde contre elle et les précipite clans le gouffre de la perdition. Sachez donc supporter la longueur de mon discours. Ce serait de la déraison, pour nous qui sommes blessés chaque jour sur la place publique, dans nos maisons, par nos amis par nos proches, par nos ennemis, par nos voisins, par nos serviteurs, par nos épouses, par nos tout petits enfants, par nos propres pensées, de ne pas vouloir nous occuper, même une fois la semaine, de guérir ces blessures, sachant surtout que le traitement ne nous coûtera ni argent ni souffrance. Car, voyez, je ne tiens pas de fer à la main ; je ne me sers que d’un discours, mais plus tranchant que le fer, qui enlèvera toute la corruption et qui ne causera aucune douleur à quiconque subira cette opération. Je ne tiens pas de feu à la main ; mais j’ai une doctrine plus forte que le feu, une doctrine qui ne vous brûlera point, mais qui empêchera les ravages de l’iniquité et qui, au lieu de douleur, ne causera que de la joie à celui qui sera délivré du mal.
Il n’est pas besoin ici de temps, pas besoin de travail, pas besoin d’argent ; il suffit de vouloir, et ce qu’exige la vertu est accompli ; et si vous réfléchissez à la majesté du Dieu qui ordonne et qui a porté cette loi, ne sera-ce pas assez pour vous éclairer et vous déterminer ? Car ce ne sont pas mes propres pensées que je vous expose, je ne veux que tous vous conduire au grand législateur. Suivez-moi donc et écoutez la loi de Dieu. Où est-il question de la colère et du désir de la vengeance ? Dans des passages nombreux et divers, mais particulièrement dans cette parabole que Jésus adressa à ses disciples en leur disant : C’est pour cela que le royaume des cieux est semblable à un roi qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Et lorsqu’il, eut commencé à le faire, on lui en présenta un qui lui devait dix mille talents. Et comme il n’avait pas de quoi les rendre, soit maître ordonna qu’on le vendit, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu’il avait, pour acquitter la dette. Mais, se jetant à ses pieds, le serviteur le suppliait en disant : Ayez patience à mon égard, et je vous rendrai tout. Alors le maître ayant pitié de ce serviteur le renvoya et lui remit sa dette. Mais ce serviteur étant sorti rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers ; et l’ayant saisi il l’étouffait, disant : Rends-moi ce que tu me dois. Et se jetant à ses pieds, son compagnon le suppliait, disant : Aie patience à mon égard, et je te rendrai tout. Mais lui ne voulut pas, et il s’en alla et le fit mettre en prison jusqu’à ce qu’il payât sa dette. Les autres serviteurs le voyant, furent indignés ; ils vinrent et racontèrent à leur maître ce qui s’était passé. Alors le maître l’appela et lui dit : Méchant serviteur, je t’ai remis ta dette parce que tu m’en as prié. Ne fallait-il pas que tu eusses pitié de toit compagnon, comme j’ai eu pitié de toi ? Et il le livra aux bourreaux, jusqu’à ce qu’il payât toute sa dette. C’est ainsi que vous traitera mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne à son frère du fond de soit cœur. (Mt. 18)
3. Voilà la parabole ; or il faut dire pourquoi il la proposa, en en indiquant la cause ; car il ne dit pas simplement : Le royaume des cieux est semblable, mais bien c’est pour cela que le royaume des cieux est semblable. Pourquoi donc la cause s’y trouve-t-elle ? Il parlait à ses disciples de la patience, il leur apprenait à maîtriser leur colère, à ne faire pas grande attention aux injustices qu’ils pouvaient éprouver de la part des autres, et il leur disait : Si votre frère a péché contre vous, allez et reprenez-le entre vous et lui seul ; s’il vous écoute, vous aurez gagné votre frère. (Mt. 18,15)
Pendant que le Christ disait ces choses et autres semblables à ses disciples et leur enseignait à régler leur vie Pierre, le premier