Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et encore, non pas pour toujours, mais pour un temps limité. Qu’est-ce qui nous le prouve ? Ce sont les paroles mêmes, car ayant appelé les douze disciples, il leur dit : Ne prenez pas le chemin des nations païennes, et n’entrez pas non plus dans la ville des Samaritains ; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël ; guérissez les malades, purifiez les lépreux, chassez les démons ; vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ; ne possédez ni or, ni argent, ni airain, pour mettre dans vos bourses. (Mat. 10,6-9) Voyez la sagesse du Maître, et comme il a rendu le commandement facile à suivre. Il commence par dire : Guérissez les malades, purifiez les lépreux, chassez les démons, et c’est après leur avoir donné avec libéralité la grâce qui vient de lui, qu’il leur fait le commandement en question, leur rendant cette pauvreté facile et légère par l’abondance des faveurs qu’il leur accorde comme signes de leur mission. Puis, outre qu’il n’a donné cet ordre qu’aux seuls apôtres, il y a encore plusieurs autres preuves. Il punit les vierges folles parce qu’elles n’avaient pas d’huile dans leurs lampes ; il adresse des reproches à d’autres gens de ce que l’ayant vu manquant de nourriture ils ne lui ont point donné à manger ; de ce que, l’ayant vu pressé par la soif, ils ne lui ont pas donné à boire. Or une personne qui n’aurait ni argent, ni chaussures, mais seulement un unique manteau, comment pourrait-elle en nourrir une autre, ou vêtir sa nudité, où donner asile à celle qui manque de gîte ? Mais outre cela, vous avez encore une autre preuve évidente. Quelqu’un s’approche de Jésus, et lui demande : Maître, en quoi faisant hériterai-je de la vie éternelle ? (Mat. 19,16) Jésus lui énumère tous les points de la loi, et cet homme, voulant s’instruire encore davantage, lui dit : J’ai observé tout cela depuis ma jeunesse ; que me manque-t-il encore ? Alors Jésus lui répond : Si tu veux être parfait, va vendre tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et reviens me suivre. (Id. 20,21) Pourtant, si c’était là une loi et un précepte, Jésus aurait dû l’énoncer tout d’abord, en faire une obligation, le poser en devoir, et non pas l’amener comme un conseil et une exhortation. Lorsqu’il dit aux apôtres : Ne possédez ni or ni argent, c’est un ordre qu’il donne ; mais quand il dit à cet homme : Si tu veux être parfait, c’est un conseil et une exhortation. Or, autre chose est de conseiller, autre chose de poser une loi. Celui qui établit une loi entend que l’ordre donné soit suivi quand même ; celui qui conseille et exhorte remet à la disposition de l’auditeur le choix de ce dont il s’agit, il laisse celui qui écoute maître d !'y consentir ou non. C’est pour cela qu’il ne dit pas simplement : Va vendre ce que tu possèdes, afin qu’on ne prenne pas ce qu’il dit pour une loi : comment s’exprime-t-il ? Si tu veux être parfait, va vendre ce que tu possèdes; et c’est afin de vous faire savoir que la chose dépend du consentement des auditeurs.
Voilà qui prouve donc que ce commandement ne s’adressa qu’aux Apôtres ; mais la solution n’est pas encore trouvée tout entière ; car bien que cette loi n’ait été posée que pour eux, pourquoi donc, s’ils ont reçu l’ordre de n’avoir ni chaussures, ni deux vêtements, trouve-t-on l’un ayant des sandales, et l’autre ayant un manteau ? Que répondre à cela ? Nous répondrons que, même pour les apôtres, Jésus-Christ n’a point permis que cette loi fût obligatoire pour toujours ; mais que sur le point de marcher à cette mort salutaire, il les délia de ce précepte. Et quelle preuve ? Les paroles mêmes du Sauveur. Il allait prendre le chemin de la Passion, lorsqu’il les fit venir et leur dit : Quand je vous ai envoyés sans bourse et sans sac, avez-vous manqué de quelque chose ? De rien, répliquèrent-ils. Eh bien ! maintenant, reprit Jésus, que celui qui a une bourse, que celui qui a un sac, les emporte ; et que celui qui n’en a pas, vende son vêtement, et achète une épée. (Luc. 22,3536) Mais peut-être on me dira : Vos paroles ont absous les apôtres de cette accusation, mais la question est de savoir pourquoi le Christ a établi des lois contraires, en disant tantôt : N’ayez point de sac, et tantôt : Que celui qui a une bourse, que celui quia un sac, les emporte. Eh bien ! quelle en est la raison ? C’en est une digne de sa sagesse et de sa sollicitude pour ses disciples. Dans le commencement, il donna le premier ces ordres, pour que les Apôtres trouvassent dans des faits, et dans leur propre expérience, la démonstration de la puissance de Jésus-Christ, et que, forts de cette preuve, ils se répandissent dans tout l’univers. Mais lorsque ensuite ils eurent suffisamment connu cette puissance, il voulut aussi qu’ils montrassent la vertu qui venait de leur propre fonds, c’est pourquoi il rie les soutient pas jusqu’au bout, mais les abandonne