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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/155

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HOMÉLIE SUR L’AUMONE[1].


Improvisée par l’orateur pendant la saison rigoureuse, un jour qu’ayant traversé la place publique pour venir à l’église, il avait vu une multitude de pauvres et d’infirmes étendus par terre dans le plus pitoyable état.

ANALYSE.


Cette homélie a été prononcée certainement à Antioche, comme on le voit dans le cours même de l’homélie ; mais on ne peut savoir en quelle année. Elle roule sur l’aumône ; c’est une explication simple, noble et instructive des quatre premiers versets du seizième chapitre de la première épître aux Corinthiens. L’orateur y montre d’une manière également solide et touchante quel était le zèle de saint Paul pour faire l’aumône et pour engager à la faire ; quelle était sa prudence et la générosité de ses sentiments, ce qu’il entendait par le mot de saints ; il exhorte les fidèles, d’après l’avis de cet Apôtre, à mettre des deniers à part pour le soulagement des pauvres, et en général à secourir les indigents dans leurs besoins, sans examiner trop scrupuleusement quelle est leur personne. L’exorde de cette homélie est remarquable : il est plein d’une dignité imposante, en même temps qu’il respire un tendre intérêt pour les pauvres. Saint Jean Chrysostome a traversé une partie de la ville pour arriver à l’église : il se suppose député vers les riches par les misérables qu’il a vus étendus par terre dans une saison rigoureuse ; il sollicite leur compassion par le spectacle de leurs misères dont il a été le témoin.
1. Je viens remplir une ambassade aussi convenable à mon ministère qu’elle est importante et digne de toute votre attention. Ce sont les pauvres de cette ville qui m’envoient aujourd’hui vers – vous ; ils ne se sont point assemblés pour me nommer leur représentant le spectacle seul de leurs misères a parlé suffisamment à mon cœur. En traversant la place et les carrefours, empressé, selon ma coutume, de venir vous rompre le pain de la parole, j’ai vu une multitude d’infortunés étendus par terre, les uns privés de leurs mains, les autres de leurs yeux, d’autres tout couverts d’ulcères et de plaies incurables, étalant aux regards publics les membres qu’ils devraient cacher dans l’état d’horreur où la mal les a réduits. Il y aurait de l’inhumanité, mes frères, à ne point vous parler des pauvres, surtout quand la circonstance actuelle nous en fait une loi si pressante. Si nous devons en tout temps vous exhorter à l’aumône, parce qu’en tout temps nous avons besoin de la miséricorde du Maître commun qui nous a créés, combien plus ne le devons-nous pas dans le froid rigoureux qui règne maintenant ? Pendant l’été, la saison même soulage les pauvres. Ils peuvent marcher nus sans péril ; les rayons du soleil leur servent de vêtement. Ils peuvent coucher sur la terre, sans craindre que la fraîcheur des nuits les incommode. Ils n’ont besoin ni de chaussure, ni de vin, ni d’une nourriture abondante : une fontaine suffit à leur boisson ; quelques herbes et quelques légumes, voilà leurs aliments, voilà les simples mets que la saison est toujours prête à leur servir. Un autre soulagement qui n’est pas moindre, c’est qu’ils ne manquent pas alors d’ouvrage. Ceux qui font bâtir des maisons, qui cultivent la terre, ou qui parcourent les mers, ont besoin de leurs bras. Les maisons, les champs, les héritages, sont la substance assurée des riches ; les pauvres n’ont de revenus que ce qu’ils gagnent par leurs sueurs. Ainsi l’été, ils peuvent trouver encore quelque ressource ; mais l’hiver, tout leur fait la guerre ; au dedans, la faim dévore leurs entrailles ; au-dehors, le froid glace leurs membres, et rend leur chair presque morte. Il leur faudrait plus de nourriture, des vêtements meilleurs, un toit, un lit, des chaussures,

  1. Traduction d’Auger, revue.