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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/166

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choses sensibles aux choses spirituelles, il a rendu celles-là fragiles et passagères, afin de nous éloigner des choses présentes et de nous attacher fortement à l’amour des biens futurs. Ensuite, comme les choses invisibles et spirituelles n’existaient que par la foi et en espérance, que fait – il ? Se revêtant de notre chair, et accomplissant ses desseins admirables, il paraît dans le monde, nous met sous les yeux les choses futures, et par là confirme dans la foi les esprits les plus grossiers. En effet, comme il nous apportait une vie angélique, qu’il faisait le ciel de la terre, qu’il donnait des préceptes qui devaient égaler aux puissances incorporelles ceux qui les pratiqueraient, que des hommes il faisait des anges, qu’il les appelait à des espérances célestes, qu’il multipliait leurs combats, qu’il leur ordonnait de prendre un essor plus sublime, de s’élever jusqu’au plus haut des cieux, de s’armer et de combattre contre toute la troupe des esprits impurs, d’étouffer le tumulte des passions, de porter un corps et de le mortifier, d’être revêtu d’une chair et d’être l’égal des puissances spirituelles comme il donnait, dis-je, ces préceptes, que fait-il ? comment rend-il le combat plus aisé ? Ou plutôt, si vous le trouvez bon, parlons d’abord de la grandeur des préceptes ; voyons comment il nous fait prendre notre essor en haut, comment il nous a ordonné presque de nous dépouiller de la nature humaine pour nous transporter dans le ciel.
4. La loi ordonnait de prendre œil pour œil. Si quelqu’un, dit Jésus-Christ, vous frappe sur la joue droite, présentez-lui la gauche. (Mat. 5,39) Il ne nous dit pas seulement : Supportez l’injure avec douceur et avec courage ; mais Que votre modération aille plus loin, préparez-vous à souffrir plus encore qu’on ne veut vous faire souffrir, opposez un excès de modération à un excès d’injure, afin que celui qui vous insulte, respectant votre extrême douceur, soit touché et se retire. Priez, dit le même Jésus, pour ceux qui vous calomnient, priez pour vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. (Mat. 5,44) Et lorsqu’il conseille la virginité : Que celui, dit-il, qui peut comprendre ceci, le comprenne. (Mat. 19, 12) Comme après la désobéissance d’Adam, la virginité s’était enfuie du paradis terrestre, et avait quitté le monde où nous vivons, Jésus-Christ l’a ramenée, après un long bannissement, dans son ancienne patrie, dont elle était exilée. Dès son entrée dans le monde, honorant la virginité et changeant les lois de la nature, il est né d’une femme qui est demeurée vierge en devenant sa mère. Ainsi, comme en venant sur la terre il nous donnait ces préceptes et qu’il rendait notre vie sublime, il nous offrait une récompense qui répondait à nos travaux, qui même leur était bien supérieure. Mais cette récompense-là même était invisible, elle n’existait qu’en espérance, par la foi, et dans l’attente des choses futures. Puis donc que les préceptes étaient relevés et pénibles, que les prix et les couronnes n’existaient que par la foi, voyez comment il procède, comment il rend la lutte aisée et les combats faciles.
5. Comment procède-t-il donc ? Il emploie deux moyens. Le premier, c’est de pratiquer lui-même ce qu’il ordonne ; le second, c’est de nous montrer lui-même les récompenses et de nous les mettre sous les yeux. Dans ses paroles il offre le précepte et la récompense. Voici le précepte : Priez pour ceux qui vous calomnient et qui vous persécutent ; voici la récompense : afin, que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux. (Mat. 5,44-45) Et encore : Vous êtes heureux lorsque les hommes vous chargeront de malédictions, qu’ils vous persécuteront, qu’ils diront faussement toute sorte de mal contre vous. Réjouissez-vous alors et tressaillez de joie, parce qu’une grande récompense vous est réservée dans les cieux. (Mat. 5, 11-12) Vous voyez encore ici le précepte et la récompense. Il ordonne le travail, et il prépare lui-même le salaire. Celui, dit-il encore, qui abandonnera sa maison, ses frères et ses sœurs, voilà le précepte, recevra le centuple et possédera la vie éternelle (Mat. 19,29), voilà le prix et la couronne. Ainsi, je le répète, comme les préceptes étaient relevés, et que les récompenses n’étaient pas visibles, que fait-il ? Il nous montre lui-même les préceptes en exécution, et il nous met les couronnes sous les, yeux. Et comme celui à qui on ordonne de marcher dans une route non battue, s’il voit quelqu’un marcher devant lui, entreprend plus aisément la chose et l’exécute avec plus d’ardeur : de même, dans les préceptes, quand nous nous voyons précédés, nous marchons facilement. Afin donc que notre faiblesse suivît avec moins de peine, Jésus-Christ, se revêtant de notre