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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/194

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fût-ce une fille publique, une servante, une personne quelconque non mariée, commet un adultère. En effet, ce n’est pas seulement la personne déshonorée, c’est encore l’auteur de son déshonneur, dont la qualité constitue l’adultère. Et n’allez point, en ce moment, m’alléguer les lois du monde qui traînent les épouses séduites devant les tribunaux et leur font subir un jugement, tandis qu’elles ne demandent point de comptes aux hommes mariés qu’ont débauchés des courtisanes. Moi, je vous lirai la loi de Dieu, qui sévit également contre l’homme et contre la femme, et les déclare pareillement adultères. Après ces mots : Et que chaque femme ait son mari, viennent les suivants : Que le mari rende à sa femme l’affection qu’il lui doit. (1Co. 7, 3) Que veut-il faire entendre par ces mots ? Qu’il faut avoir l’œil à ses revenus ? garder sa dot intacte ? lui fournir de riches vêtements ? une table somptueusement servie ? une suite brillante ? une nombreuse maison ? Que veux-tu dire ? quelle est cette affection que tu prescris ? Aussi bien toutes ces choses sont-elles des preuves d’affection. Rien de tout cela, répondra Paul : je ne prescris que la continence et la chasteté. La personne de l’époux n’appartient plus à l’époux, mais à l’épouse, qu’il lui garde donc intacte cette propriété, qu’il n’en dérobe rien, qu’il ne la dissipe point. En effet, on dit qu’un serviteur a de l’affection pour ses maîtres, lorsque, chargé de gérer leurs biens, il n’en laisse rien se perdre. Puis donc que la personne du mari est la propriété de l’épouse, l’homme doit montrer son affection en veillant bien sur ce dépôt. Et la preuve que tel est le sens de ces paroles de Paul : Qu’il lui rende l’affection qui lui est due, c’est qu’il ajoute aussitôt : La femme n’a pas puissance sur son corps, c’est le mari ; de même le mari n’a pas puissance sur son corps, c’est la femme. (1Co. 7, 4) Par conséquent, si vous voyez une courtisane vous tendre des pièges, chercher à vous attirer, s’éprendre de votre personne, dites-lui : Ce corps n’est pas à moi, mais à ma femme ; je ne puis en abuser, ni le livrer à une autre femme. Et que de son côté la femme agisse de même. En effet, sur ce point, les droits des deux sexes sont égaux. D’ailleurs, Paul accorde dans le reste une grande prééminence au mari, comme l’attestent ces paroles : Que chacun de vous aime sa femme comme lui-même ; mais que la femme craigne son mari (Eph. 5, 33) ; et ailleurs : L’homme est le chef de la femme et enfin : La femme doit être soumise à sort mari. (Id. 22) De même dans l’Ancien Testament : Ton recours est en ton mari, et il sera ton maître. (Gen. 3, 16) Comment donc a-t-il pu établir sur ce point une réciprocité parfaite d’esclavage et de, domination ? En effet, cette maxime : La femme n’a pas puissance sur son corps, c’est le mari ; de même le mari n’a pas puissance sur son corps, c’est la femme, annonce l’intention d’établir une complète égalité : et de même que l’homme est le maître du corps de la femme, de même la femme, à son tour, est maîtresse du corps de l’homme. D’où vient donc qu’il ait institué une égalité si parfaite ? C’est que dans tout le reste la prééminence est indispensable. Au contraire, dès qu’il y va de la continence et de la chasteté, l’homme n’a plus aucune prérogative à l’égard de la femme, et encourt le même châtiment, s’il vient à enfreindre les lois du mariage. Cela s’explique parfaitement. En effet, si ta femme est venue à toi, si elle a quitté son père, sa mère, et toute sa famille, ce n’est pas pour que tu l’outrages, pour que tu lui substitues une vile courtisane, pour qu’elle soit en butte à une guerre perpétuelle : tu l’as prise pour qu’elle fût ta compagne, ton associée, pour qu’elle fût libre, et jouît des mêmes droits que toi-même. N’est-il pas étrange que la dot qu’elle t’apporte soit l’objet de toute ta sollicitude, que tu évites soigneusement d’en rien distraire : et que ces trésors, bien plus précieux qu’une dot, je veux dire la continence et la chasteté, et ta propre personne, qui est sa propriété, tu les prodigues et les corrompes ? S’il t’arrive de toucher à la dot, c’est à ton beau-père que tu rends tes comptes. Mais si tu attentes à la chasteté, c’est Dieu qui te les demandera, Dieu qui a institué le mariage, et de qui tu tiens ton épouse. Si vous en voulez une preuve, écoutez ce que dit Paul au sujet des adultères : Celui qui méprise ces préceptes, méprise non pas un homme, mais Dieu, qui nous a donné son Esprit saint. (1Th. 4, 8)
Voyez-vous combien les preuves abondent à l’appui de notre proposition qu’il y a adultère, non-seulement quand on séduit une femme en puissance de mari, mais encore quand on a commerce avec une concubine quelconque, dès lors qu’on est marié ? En effet, de même que nous appelons la femme adultère, soit que son complice soit un valet ou tout autre, dès qu’elle est