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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/252

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et que beaucoup d’hommes alors furent récompensés en espérance et non par la réalité. C’est pourquoi il leur cite la parole du prophète : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. En effet, la foi se rapporte aux choses qu’on espère et non à celles qu’on voit, car ce qu’on voit, on ne saurait l’espérer. Or, si le prophète croyait aux choses qu’il espérait, et si ce qu’on espère on ne le voit point, il s’ensuit qu’il n’avait point encore en sa possession les biens auxquels il croyait. Voilà pourquoi Paul a dit : Parce que nous avons le même esprit de foi, c’est-à-dire, la même foi que celle de l’Ancien Testament. Il dit ailleurs, en parlant des saints de ces temps : Ils étaient vagabonds, couverts de peaux de brebis et de peaux de chèvres, abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le monde n’était pas digne. (Heb. 11,37-38) Et pour nous enseigner qu’ils supportèrent tous les maux sans en recevoir la récompense, il dit : Tous sont morts dans la foi, sans avoir reçu l’effet des promesses de Dieu, mais seulement les ayant vues et saluées de loin. (Heb. 11, 13) Mais comment outils pu voir ce qui n’était point accompli ? Avec les regards de la foi, qui pénètrent dans le ciel et contemplent tout ce qu’il renferme.
9. Considérez la sagesse de Dieu ! il leur montre de loin les récompenses, et ne les leur donne point sur-le-champ, afin d’exercer leur patience ; mas il les leur montre de loin, afin que, soutenus par cet espoir, ils supportent, sans même les sentir, les maux de la vie présente.
Peut-être les plus attentifs d’entre vous nous accuseront-ils de contradiction. Si nos pères eux-mêmes, diront-ils, ne recevaient pas sur-le-champ les prix et les récompenses, pourquoi nous avez-vous si longuement énuméré les saisons bien réglées, la santé du corps, une nombreuse et sainte postérité, l’abondance des moissons et des fruits de la terre, la fécondité des troupeaux de bœufs et – de brebis, tous les biens de la vie ? Que répondrai-je à ces paroles ? Que Dieu, dans ce temps, traitait le vulgaire et le peuple, encore mal affermi dans le bien, autrement que ces âmes nobles et qui s’étaient par avance initiées à la philosophie du Nouveau Testament. À la multitude qui rampait à terre, dont les yeux ne noyaient point ce qui est grand, et qui ne pouvaient élever leur âme a jouir en espérance des biens à venir, il promettait les biens de la vie présente pour soutenir leur faiblesse, pour les conduire à pratiquer la vertu et à aimer le bien. Mais Élie, Élisée, Jérémie, Isaïe, et tous les prophètes en un mot, et tous ceux qui appartenaient au chœur des saints et des forts, il les appelait au ciel et au partage des biens qu’il y réserve aux élus. Aussi, Paul n’a-t-il point parlé de tous les hommes. Il a cité ceux qui voyageaient couverts de peaux de brebis et de chèvres, ceux qui périssaient dans les fournaises, dans les prisons, sur les chevalets, sous les pierres, par la faim et fa misère, ceux qui vivaient dans les déserts, dans les cavernes, dans les souterrains, et qui souffraient mille maux. Ce sont ces hommes qu’il dit être morts dans l’espérance et sans avoir vu se réaliser les promesses de Dieu : il ne parle point du commun des Juifs, mais des hommes qui ressemblaient à Élie.
Et si l’on demande pourquoi ces hommes n’ont point encore reçu les couronnes qu’ils méritent, Paul nous répondra. Après avoir dit : Tous ces hommes sont morts dans la, foi, sans avoir reçu l’objet des promesses de Dieu, il ajoute : Dieu ayant voulu, par une faveur singulière, qu’il nous a faite, qu’ils ne reçussent qu’avec nous l’accomplissement de leur bonheur. (Heb. 11,13, 40) C’est une fête commune et plus joyeuse, dit l’Apôtre, que celle qui nous réunit tous dans le triomphe. De même aux jeux olympiques, les athlètes de la lutte, du pugilat, du pancrace, soutiennent leurs combats en divers temps, et tous les vainqueurs sont proclamés ensemble ; de même dans les festins, quand certains convives viennent de meilleure heure et que d’autres tardent, l’hôte, pour faire honneur aux absents, prie ceux qui sont arrivés d’attendre un moment ceux qui manquent. C’est aussi ce que fait Dieu. Il a invité à une fête commune et spirituelle les justes qui ont vécu en divers temps dans toute la terre, et il veut que les premiers arrivés attendent ceux qui doivent venir après eux, pour les rassembler tous et leur faire partager le même honneur et la même joie.
10. Quel surcroît d’honneur ! Paul et les saints de son temps ; Abraham et les hommes de son âge ; tous ceux qui, tant de siècles avant lui ont lutté et vaincu, assis au ciel, et attendant que nous y soyons appelés ! Car Paul n’a point encore reçu sa couronne, ni aucun de ceux qui, depuis le commencement du monde ont été élus de Dieu, et ils ne la recevront point que tous ceux qui doivent être couronnés ne soient arrivés au ciel. Écoutez les paroles de