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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/266

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facilement ; de même, à présent, il a en vue, parmi les femmes, celles dont la chute est trop facile, celles qui ne supporteraient pas le veuvage ; c’est à elles qu’il donne le conseil de se marier une seconde fois. C’est qu’en effet le veuvage est chose double. Comment cela, double ? C’est un spécimen de bonnes œuvres, c’est une très-haute dignité. De même donc qu’une magistrature, aussi, est chose double ; en effet, il y faut considérer les œuvres et la dignité : la dignité c’est la puissance du magistrat, les honneurs que le peuple lui rend, c’est la magistrature en elle-même. Quant aux œuvres de la magistrature, c’est de secourir ceux à qui l’on fait injustice de réprimer les auteurs de l’injustice, de commander aux villes, de veiller, de passer les nuits pour les affaires communes de la république, ce sont mille autres soins ; de même pour le veuvage, il faut distinguer la dignité et les œuvres : la plus grande dignité, c’est d’être veuve, nous l’avons déjà démontré ; quant aux œuvres, c’est de ne pas faire venir un second mari, mais de se contenter du premier ; de bien élever ses enfants, d’exercer l’hospitalité, de laver les pieds des saints, de secourir les affligés, de s’appliquer à faire le bien, de toutes les manières. Aussi, Paul, en parlant de ces œuvres, permet aux veuves de les accomplir toutes, mais il ne permet pas d’élever à la dignité de veuve, de faire entrer dans la compagnie, de mettre au rang des veuves ; celle qui n’a pas soixante ans accomplis ; c’est comme s’il disait : Qu’elle fasse toutes les œuvres qui conviennent aux veuves ; quant à la dignité, qu’elle ne l’obtienne que quand, après avoir accompli tontes ces bonnes œuvres, elle devra au bénéfice de l’âge toute sécurité ; et, à ses œuvres, la démonstration et le témoignage extérieur de sa vertu. Que nul n’aille s’imaginer que ce discours ne convienne qu’aux femmes, car les hommes y trouveront aussi de quoi profiter lis doivent, eux aussi, s’en tenir à la femme qu’ils ont perdue ; ils ne doivent pas vouloir que des lionnes habitent avec leurs enfants, que des belles-mères, introduites dans leur maison, en ruinent toute la sécurité.
5. Ce que nous disons, ce n’est pas pour vous prescrire la haine d’un second mariage, mais nous vous conseillons de vous contenter du premier. Autre chose est l’exhortation, autre chose le commandement. L’exhortation, le conseil, laissent à la discrétion de l’auditeur le choix ; dans ce qu’on lui conseille ; le précepte, au contraire, supprime ce pouvoir de choisir. L’Église ne fait pas, ici, de précepte ; elle exhorte seulement ; Paul a permis les seconds mariages, quand il a dit : La femme est liée à la loi du mariage tant que son mari est vivant ; mais si son mari meurt, elle est libre ; qu’elle se marie à qui elle voudra, pourvu que, ce soit selon le Seigneur. Cependant elle sera plus heureuse si elle demeure en cet état. (1Cor. 7,39-40) Ainsi, comme le mariage est bon, mais la virginité vaut mieux ; de même, le second mariage est bon, mais le premier, l’unique mariage, vaut mieux. Nous ne rejetons donc pas le second mariage ; nous ne prescrivons rien non plus sur ce point, mais nous exhortons : Que celui qui veut conserver la chasteté se contente du premier mariage. Et, maintenant, pourquoi nos exhortations et nos conseils ? Pour assurer la sécurité de la maison. Souvent le second mariage est une occasion de luttes et de combats de tous les jours. Assurément, bien souvent, if arrive qu’assis à table, le mari, au souvenir de sa première femme, pleure en silence ; mais l’autre, tout à coup, prend feu, bondit comme une bête fauve, et lui demande raison de sa tendresse pour celle qui n’est plus. S’il veut louer la femme qui est partie, c’est un prétexte de guerre ; un éloge est un sujet de combat. Et, voyez, quand nos ennemis particuliers sont morts, nous ne sentons plus rien contre eux ; la même heure a terminé leur vie et notre haine. Chez les épouses, ce qui se montre, c’est tout le contraire ; la femme qu’elle n’a pas vue, la femme qu’elle n’a pas entendue, la femme qui ne lui a fait aucun mal, celle-ci la déteste, l’a en horreur, et la mort même n’éteint pas sa haine. Qui donc a jamais vu, qui donc a jamais entendu dire que la poussière fût un objet ; de jalousie, qu’on fit la guerre de la cendre ?
6. Mais ce n’est pas là que s’arrête le mal ; soit que la seconde épouse ait des enfants, soit qu’elle n’en, ait pas, nouveaux combats, toujours la guerre. Si elle n’en a pas, son chagrin est plus amer, et, pour cette cause, elle regarde comme des ennemis, qui lui font le plus grand outrage, les enfants de la première femme ; elle les regarde comme un reproche, qui lui rend plus sensible sa stérilité ; si, au contraire, elle a des enfants, le mal n’est pas moindre. En effet, souvent le mari, par tendresse pour,