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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/294

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que je souffre. Il nous instruit du haut de la tribune où l’a porté son malheur, et une grande clarté illumine l’autel, redoutable aujourd’hui surtout, et triomphant, parce qu’il tient le lion enchaîné. Car s’il est vrai que la splendeur impériale consiste à être assis sur le trône, revêtu de la pourpre et le front ceint du diadème, quel éclat n’ajoutent pas à la majesté de l’empereur les barbares qu’on voit à ses pieds, les mains liées au dos, la tête inclinée vers la terre ! Mais ce qui prouve qu’il n’est pas besoin ici de la persuasion des discours, c’est l’empressement qui vous fait tous accourir. Car voici que le spectacle est brillant pour nous aujourd’hui, et l’assemblée est magnifique, et toute cette foule que j’ai vue, à la fête de Pâques, réunie dans le temple, je la revois encore ici à cette heure ; le silence de cet homme, plus retentissant que les trompettes, a convoqué le peuplé tout entier au cri qui s’échappe de la réalité de son malheur. Les jeunes filles ont laissé vides leurs chambres ; les femmes, leurs gynécées ; les hommes, la place publique, et, tous ensemble, vous vous êtes empressés d’accourir pour voir ici la nature humaine confondue, la fragilité des choses du siècle mise à nu, cette courtisane qui se nomme la foraine, avant-hier, hier, si resplendissante encore, aujourd’hui nous montrant un visage (car la prospérité fille de la rapine a des rides plus hideuses que la plus difforme décrépitude), d’où l’adversité, comme avec l’éponge, a fait disparaître le fard, le plâtre, tout l’éclat emprunté.
4. Car voilà jusqu’où s’étend la puissance du coup que l’on vient de frapper : l’homme glorieux, l’homme illustre est devenu le plus vil de tous les misérables. Pour lé riche qui se rend à ce spectacle, le profit est grand : car, à contempler la chute qui précipite d’un faîte si élevé, celui qui d’un sine remuait le monde ; à le voir ramassé sur lui-même ; à voir que le lièvre timide, que la grenouille craintive connaissent moins que lui la terreur ; à le voir, sans liens qui le retiennent, rivé à cette colonne où, à défaut de chaînes, l’épouvante l’étreint ; à voir l’effroi, le tremblement qui l’agite, l’arrogance tombe, l’orgueil se dissipe, l’âme se prend à méditer ce qu’il est nécessaire de méditer des choses humaines, et l’on emporté dans son cœur, en se retirant, les paroles de l’Écriture, démontrées par la réalité, à savoir que, toute chair est une herbe des champs ; toute gloire humaine comme une fleur des champs : l’herbe s’est desséchée, la fleur est tombée. (Isa. 40,6-7) Autres paroles : Comme l’herbe des champs, ils seront vite séchés ; comme les plantes de nos jardins, ils seront vite tombés. (Psa. 36,2) Autres paroles encore : Ses jours sont une fumée (Psa. 101,4), et tous les exemples du même genre. Pour le pauvre, à son tour, qui entre et qui vient voir, il ne se prend plus en pitié ; il ne gémit plus de son indigence ; au contraire, il remercie sa pauvreté, qui est pour lui un sûr asile, un port sans tempêtes ; un solide rempart : et, plus d’une fois, devant un tel spectacle, il lui arrivera de préférer sa condition présente à la courte possession de tous les biens de ce monde, inséparables du danger de voir bientôt son sang répandu. Comprenez-vous de quel rare profit, et pour les riches et pour les pauvres, et pour les petits et pour les grands, et pour les esclaves et pour les hommes libres ; est le spectacle de ce réfugié ? Comprenez-vous quel remède chacun doit emporter dans son cœur, s’il suffit de voir pour être guéri ? Ai-je fléchi vos ressentiments, éteint votre colère, attendri votre dureté ? Vous ai-je attirés à la compassion ? Je n’en doute pas, j’en suis assuré, j’en crois vos visages, et vos larmes que je vois jaillir. Eh bien ! puisque chez vous le roc s’est transformé en une terre fertile, en une grasse campagne, courage ! quand le fruit de la miséricorde sera sorti de son gemme, quand le riche, épi de la sympathie et de l’amour se dressera devant nous, nous tomberons aux pieds de l’empereur, ou plutôt nous prierons le Dieu de mansuétude de fléchir la colère de l’empereur, d’attendrir son cœur, pour que nous obtenions tout entière la grâce de cet infortuné : Déjà, depuis le jour qu’il est venu chercher un refuge, les dispositions ont bien changé : Car aussitôt que l’empereur eut appris qu’i s’était précipité dans cet asile, que l’armée l’avait suivi, que les soldats, aigris par ses fautes demandaient son supplice, il parla longtemps pour faire tomber leur colère ; il ne voulait qu’on se bornât à rappeler les égarements mais qu’on se ressouvînt aussi de ses services, et qu’on tînt en compte, et, il disait que sa connaissance ne les oubliait pas, que pour ! torts de l’homme, il les pardonnait. Cependant l’indignation se réveillait, l’empereur avait été outragé ; les soldats criant, trépignant, réclamant l’arrêt de mort, agitaient leurs lances ;