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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/319

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Mais nous désirions, dites-vous, faire avec vous la Pâque. Je veux satisfaire votre affection, puisque votre mécontentement s’est éteint du moment que mon retour a contenté vos yeux. Car, si le père en recevant l’enfant prodigue, se réconcilie aussitôt avec lui, ne réclame pas contre lui de châtiment, mais l’embrasse à l’instant même ; ainsi font, à bien plus forte raison, des enfants qui reçoivent leur père. Cependant je veux répondre même à ce que vous désiriez : c’est la Pâque que vous vouliez faire avec moi ; or personne ne vous empêche aujourd’hui de faire avec moi la Pâque. Mais peut-être me direz-vous : est-ce que nous ferons deux Pâques ? Non, mais une seule et la même, un grand nombre de fois. En effet, le soleil se lève toujours, et nous ne disons pas qu’il y a beaucoup de soleils, mais qu’il y a un soleil qui se lève chaque jour ; il en est de même de la Pâque : nous aurons beau la consommer toujours, la célébrer toujours, ce n’en est pas moins une seule et même solennité pour nous. Nous ne ressemblons pas aux Juifs, nous ne sommes pas esclaves de tel ou tel lieu, ni soumis à la nécessité du temps, affermis que nous sommes par la parole du Seigneur. Toutes les fois, dit-il, que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur. (1Co. 11,26) En effet, nous annonçons aujourd’hui la mort du Christ. Mais c’est que la fête était à telle époque : eh bien ! aujourd’hui aussi, c’est la fête. Car où la charité se réjouit, là est la fête ; et où j’ai recouvré mes enfants qui se réjouissent, je célèbre la plus grande de toutes les fêtes. Et en effet, cette fête-là, c’est encore la charité, car Dieu, dit l’Apôtre, a tellement aimé le monde, qu’il a donné soit Fils unique pour lui. (Jn. 3,16)
Mais beaucoup de personnes, me dit-on, ont été baptisées en votre absence. Eh bien, après ? La grâce n’en est pas moins la grâce ; le don de Dieu n’en est pas infirmé : ces personnes n’ont pas été baptisées en ma présence, mais c’est en la présence du Christ qu’on les a baptisées. Est-ce que c’est l’homme qui baptise ? L’homme étend la main, mais c’est Dieu qui gouverne la main. Ne doutez pas de la grâce, mon très-cher frère, c’est le don de Dieu. Appliquez avec soin votre attention aux paroles qui se disent quand, par hasard, pour un motif quelconque, il faut expliquer un rescrit de l’empereur ; après avoir présenté vos prières, après avoir reçu la communication de l’empereur, vous ne recherchez pas la qualité de la plume dont il s’est servi, ni la qualité du papier, ni la qualité ou la nature de l’encre, mais voici uniquement ce que vous tenez à savoir, l’empereur a-t-il signé ? de même, en ce qui concerne le baptême, le papier, c’est la conscience ; la plume, c’est la langue du prêtre, la main, c’est la grâce du Saint-Esprit. En effet, soit par moi, soit par celui qui exerce les fonctions sacerdotales, c’est la même main, la main du Saint-Esprit qui écrit, nous ne sommes que des ministres, nous ne sommes pas les auteurs du mystère. Paul lui-même n’est qu’un ministre : Que les hommes nous considèrent comme les ministres du Christ, et les dispensateurs, des mystères de Dieu. Car qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? (1Co. 4,1, 7) Si j’ai quelque chose, je l’ai reçu ; or si je l’ai reçu, cela n’est pas de moi, mais de celui qui m’a octroyé le don. Ainsi ne doutez pas, mon très-cher frère ; car la grâce de Dieu a reçu son accomplissement. Le lieu n’est pas un empêchement, que vous soyez baptisé, soit ici, soit sur un vaisseau, soit chemin faisant. Philippe a baptisé dans la rue ; Paul, en prison ; le Christ, sur la croix, le larron crucifié à côté de lui, et aussitôt il a mérité d’ouvrir la porte du paradis.
De là, ma joie et mes transports, et je vous demande vos prières avec lesquelles j’ai fait le voyage d’Asie, avec lesquelles je suis revenu, avec lesquelles j’ai franchi les flots, vos prières qui m’ont aidé à obtenir une heureuse traversée ; je ne me suis pas embarqué sans vous ; je ne suis pas parti sans vous, je ne suis pas dans une cité quelconque sans vous ; dans une église, sans vous ; on m’avait, par le corps, arraché à vous, mais je vous restais joint parla charité. Car je voyais votre Église, même en fendant la ruer, et mon âme tressaillait de joie. Car c’est là ce que montre la charité qui ne se laisse pas emprisonner : j’entrais dans une église, je m’approchais de l’autel, j’offrais mes prières et je disais : Seigneur, conservez l’Église que vous m’avez confiée. Sans doute j’en suis absent par le corps, mais votre miséricorde y est présente ; c’est elle qui m’y a conduit, et qui m’a accordé plus que je ne méritais. Et la preuve que le Seigneur l’a agrandie cette Église, c’est la multitude de ceux que je vois présents. Je vois fleurir 1 s, vigne, et nulle part je n’aperçois