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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/355

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d’ennemis qui crient contre vous, qui ont plus d’aversion, plus de haine pour vous, que les ennemis les plus implacables et les plus acharnés. Vienne une révolution, qui fasse tomber ce masque dont la crainte s’est couverte, comme la chaleur du soleil fait tomber le fard et montre les visages tels qu’ils sont ; alors vous verrez combien vous étiez en mépris auprès de ceux qui vous flattaient ; vous avez cru être honoré de ceux qui vous détestaient le plus ; ils vous accablaient, ils vous déchiraient, dans leur cœur, de mille outrages, et leur plus vif désir c’était de vous voir plongé dans les plus affreux malheurs. L’honneur, c’est la vertu ; c’est la vertu seule qui le donne ; l’honneur n’a rien de forcé ; l’honneur n’a rien de plâtré ; il n’a pas de masque pour se cacher ; il est pur, il est sincère, et jamais le malheur des temps ne prévaut contre lui.
10. Mais vous voulez vous venger de ceux qui vous ont affligé ? Eh ! n’est-ce pas, au contraire, surtout pour cette raison, je l’ai déjà dit, qu’il faut fuir la richesse ? Elle fait que vous aiguisez le glaive contre vous-même ; elle charge les comptes qu’il vous faudra rendre dans l’avenir ; elle vous prépare d’insupportables châtiments. Le mal de la vengeance est si grand qu’il force Dieu même à révoquer sa bonté, et qu’il rend inutile le pardon, déjà accordé, d’un nombre infini de péchés. Vous savez bien qu’un homme s’était vu remettre dix mille talents : une seule prière avait suffi pour lui faire obtenir une telle grâce ; quand ce même homme exigea cent deniers de celui qui servait comme lui, c’est-à-dire quand il réclama le châtiment des torts qu’on avait envers lui, par sa cruauté envers son semblable, il prononça sa propre condamnation. (Mat. 18) Ce fut là l’unique raison pour laquelle il fut livré aux bourreaux, aux châtiments, condamné à rendre les dix mille talents : Aucun pardon, aucune excuse ne le put sauver ; il lui fallut subir le supplice éternel ; il lui fallut payer toute la dette que la bonté de Dieu, prévenant ses désirs, lui avait remise auparavant. Est-ce pour cela, répondez-moi, que la richesse est si désirable, si aimable ? est-ce parce qu’elle vous porte si facilement à des fautes de ce genre ? Je dis, qu’au contraire, pour cette raison. il la faut regarder comme ces ennemis, ennemis particuliers, ennemis publics, coupables de massacres et de meurtres nombreux, dont on se détourne avec horreur. Mais la pauvreté, me dit-on, est importune, à charge et souvent fait que l’on profère des blasphèmes, qu’il faut supporter des occupations indignes d’un homme libre. Non, ce n’est pas la pauvreté, mais la faiblesse de l’âme : Lazare aussi était pauvre, et pauvre tout à fait. (Luc. 16,20) A sa pauvreté, se joignait la maladie, plus amère que toute pauvreté, et qui rend la pauvreté plus cruelle. Ajoutez, à sa maladie, l’abandon, le manque de toute assistance, qui rendait plus amères et sa pauvreté et sa maladie. Prenez en effet, chacun de ces maux, un à un ; ils sont accablants ; mais, si vous n’avez personne qui vous assiste, alors le malheur est plus affreux ; la flamme qui vous brûle, plus cruelle, la douleur plus amère, la tempête plus atroce, le tourbillon plus violent, la fournaise : plus dévorante. Mais maintenant, si vous voulez examiner attentivement, vous trouverez encore eu Lazare une quatrième douleur : un riche auprès de lui, avec sa licence et son luxe. Si vous voulez découvrir encore un cinquième foyer de cette flamme, vous le verrez aussi d’une manière distincte. Car, non-seulement ce riche vivait dans les délices, mais de plus, deux fois, trois fois, disons mieux, à chaque instant du jour, ce riche voyait Lazare ; car le pauvre était là, couché par terre : triste et misérable spectacle, fait pour exciter la douleur et la pitié. Sa vue seule aurait attendri un cœur de pierre ; cependant la vue de Lazare ne porta en rien cet homme sans humanité à soulager la douleur d’un tel pauvre. Ce sybarite se mettait à sa table ; il avait ses coupes pleines, pleines jusqu’au bord ; le vin les remplissait à flots ; il avait une somptueuse armée de cuisiniers, ses parasites, ses flatteurs dès le point du jour ; des chœurs de personnages chantant, versant les vins, prêtant à rire par leurs bons mots ; le riche n’avait pour pensée que la gourmandise sous toutes ses formes, s’enivrant, engloutissant tout dans son ventre, superbe dans ses vêtements, fier de sa table, passant toute sa vie dans toute espèce de voluptés ; et à ce pauvre, tourmenté par la faim, par les douleurs poignantes de la maladie, assiégé par tant d’ulcères, abandonné, affligé chaque jour de nouvelles douleurs, le riche, qui le voyait, ne donna jamais une place même dans sa pensée. Parasites, flatteurs, mangeant avec excès, se crevaient presque le ventre, et