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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/393

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plus grande assurance ; comment ceux qui, hommes, femmes ou enfants, ont souffert la mort chaque jour, ne mériteraient-ils pas mille fois d’être portés au nombre des martyrs ? Abraham n’a pas en réalité immolé son fils, il ne l’a sacrifié que par là seule intention de sa volonté.; et cependant n’a-t-il pas entendu, la voix céleste lui dire : Tu n’as point épargné ton fils, ton fils chéri, pour moi ? (Gen. 22,12) Ainsi donc la seule intention, lorsqu’elle est d’une vertu parfaite, gagne toujours une couronne tout entière. Mais si Abraham, pour n’avoir pas épargné son fils, a été glorifié ainsi,.vois quelle récompense recevront ceux qui ne se sont pas épargnés eux-mêmes ; ceux qui, non pas pendant un jour ou deux, mais durant toute leur vie, sont restés à leur rang dans le combat, malgré les outrages, les injures, les misères, les calomnies qu’ils essuyaient. Ce n’est pas là un mérite de peu de prix ; aussi comme saint Paul admire cette conduite dans l’épître où il dit : D’un côté vous avez été exposés en vue de tout le monde à des opprobres et à des persécutions, et de l’autre vous avez pris part aux maux de ceux qui étaient ainsi traités ! (Heb. 10,33)
Est-il besoin de rappeler ceux qui, hommes ou femmes, non-seulement mouraient eux-mêmes, mais excitaient encore le courage de ceux qui supportaient les combats qu’ils avaient soutenus ? L’Apôtre leur accorde également un juste tribut d’éloges. En effet, enflammés par leurs paroles, combien de fidèles n’ont pas donné leurs biens, pour apporter quelque soulagement aux cruelles souffrances des prisonniers et des exilés ! Ils se voyaient avec plaisir ravir ainsi leurs richesses, selon l’expression de saint Paul. D’autres en vinrent à subir, ceux-ci l’exil, ceux-là la mort même. Ainsi les supplices enrichissent l’Église de tels trésors, lui donnent de tels biens et de tels avantages, de telles ressources ! Ceux qui auparavant étaient adonnés tout entiers aux théâtres, maintenant devenus plus ardents que la flamme, gagnent les déserts et changent en églises les vallons et les montagnes ! Personne ne conduit le troupeau, et les brebis remplissent les fonctions des pasteurs, et les soldats s’acquittent de l’emploi du général tant ils montrent d’assurance et de courage, et ont tous la même ardeur, le même zèle, la même activité à serrer leurs rangs ! N’y a-t-il pas de quoi être frappé d’étonnement et d’admiration en voyant comment tout a si bien prospéré dans de telles circonstances ? Car je ne parle pas seulement de ceux qui suivaient le droit chemin, mais aussi d’un grand nombre d’hommes, qui, passionnés jusqu’à la folie pour les théâtres et les jeux du cirque, puis saisis tout à coup d’un zèle plus ardent que la flamme, ont rejeté toute leur ancienne démence, ont marché pour ainsi dire à travers les glaives, ont été plein d’assurance en face des magistrats, ont méprisé les tourments, ont ri des menaces, et ont montré ainsi quelle est la force de la vertu et comment l’homme le plus pervers ; s’il se repent et se convertit, peut s’élever jusqu’à la voûte des cieux. Lors donc que tu vois tant de récompenses, tant de couronnes toutes tressées, et de tels enseignements répandus par toute la terre, d’où, je t’en prie, te viendrait le scandale ? Il te vient, dis-tu, de ceux qui ont péri. Mais je l’ai dit et je ne cesserai pas de le répéter, que ceux-là s’imputent à eux-mêmes la cause de leur perte ! Car nos paroles n’ont pas voulu prouver autre chose. Mais je vais montrer un nouvel avantage qui résulte de leur scandale. Combien n’y a-t-il pas d’hommes qui se couvrent du masque de la piété ? combien, qui ont une douceur d’emprunt ? combien, qui étaient regardés comme de grands hommes et qui ne l’ont plu, été, lorsque tout à coup, à notre époque, ils ont été dévoilés, que leurs fraudes ont été mises à nu, qu’enfin ils ont paru ce qu’ils étaient, et non ce qu’ils voulaient paraître par hypocrisie et par tromperie ? Il n’est pas peu utile à ceux qui veulent attendre, il leur est an contraire grandement avantageux de reconnaître ceux qui se sont couverts de la toison des moutons, pour qu’ainsi les loups ne passent plus confondus avec les véritables agneaux. Or cette époque est comme une fournaise qui a montré le cuivre caché dans la fausse monnaie, qui a fondu le plomb, qui a brûlé la mauvaise paille, qui a donné plus de prix aux métaux précieux. C’est ce que saint Paul faisait entendre par ces paroles : Il faut qu’il y ait même des hérésies, afin qu’on découvre par là ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée. (1Co. 11,13)
20. Ne te laisse donc pas scandaliser aujourd’hui ni par ce pasteur méprisable, qui s’est jeté sur le troupeau avec plus de férocité qu’un loup, ni par aucun magistrat, par aucun prince, si cruel qu’il puisse être. Rappelle-toi que de bien plus grands malheurs