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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/396

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habitant du désert qui triomphe d’un roi, qui est enchaîné et pourtant ne cède pas, qui va être décapité et pourtant ne se tait pas. Mais ne t’arrête pas là : Vois ce qui a suivi. Hérode a décapité Jean, Jean a été décapité par Hérode Quel est donc celui que tous s’accordent à déclarer bienheureux ? celui qui est exalté ? celui qui est couronné ? celui qui est couvert d’éloges ? celui qui est glorifié ? celui qui jusqu’à ce jour a condamné l’autre ? Est-ce que dans toutes les églises Jean ne crie pas encore : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère Philippe ? (Mat. 14,4) Est-ce qu’Hérode n’est pas, même après sa mort, flétri pour son adultère, sa démence et sa témérité ? Après tout ce qui vient d’être dit, examine encore quelle était la force du prisonnier, quelle était la faiblesse du tyran. Celui-ci n’a pas pu imposer silence à la bouche d’un seul homme, il l’a fermée par la mort, mais en même temps et par cela même, il en a ouvert mille autres. Celui-ci, au contraire, a effrayé son persécuteur, même après son supplice : car il frappait sa conscience de terreur, au point qu’Hérode crut que Jean était ressuscité d’entre les morts pour faire des miracles ; et alors, et ensuite, et dans tous les temps, il l’a condamné par la voix de tout l’univers, par celle des autres comme par la sienne propre. En effet, tout homme qui lit l’Évangile, dit : Il ne t’est pas permis d’avoir la femme de ton frère Philippe. Mais laissons l’Évangile : dans les cercles, dans les réunions, au foyer, sur a place publique, dans tous les pays, que tu ailles en Perse, dans les Indes, en Mauritanie, ou dans toute autre contrée qu’éclaire le soleil, jusqu’aux dernières extrémités de la terre, tu entendras cette parole, et tu verras ce juste, aujourd’hui encore, condamnant d’une voix retentissante la perversité du tyran, sans jamais se taire, sans jamais affaiblir son blâme après tant d’années écoulées l En quoi donc Hérode a-t-il fait tort à Jean par ce supplice ? en quoi, par cette mort violente ? en quoi, par ces chaînes ? en quoi, par cette prison ? Parmi les hommes sensés quel est celui qui n’a pas été redressé par ce qu’a dit, par ce qu’a fait ce martyr, par ces paroles qu’aujourd’hui encore il répète telles qu’il les a prononcées alors ? Ne dis donc pas : Pourquoi a-t-il été permis de le mettre à mort ? Ce n’est pas la mort qui lui a été donnée, mais la couronne ; ce n’est pas la vie qu’on lui a ravie, c’est une existence meilleure qu’on lui a ouverte. Apprends à bien penser, et loin qu’aucune de ces choses te scandalise, toutes te seront très-utiles.
22. Que dirai-je de l’épouse de Pharaon ? N’a-t-elle pas accusé Joseph ? ne l’a-t-elle pas calomnié ? ne l’a-t-elle pas fait charger de chaînes et jeter en prison ? n’a-t-elle pas suspendu sur sa tête la menace des plus terribles dangers ? ne l’a-t-elle pas mis à mort autant qu’il a été en elle ? n’a-t-elle pas jeté sur lui l’opprobre et l’infamie ? mais en quoi lui a-t-elle nui soit alors, soit aujourd’hui ? De même que le feu d’un charbon caché sous la paille parait d’abord couvert, mais tout à coup dévore ce qui le recouvre, et, alimenté par cette paille elle-même, jette une flamme très-grande ainsi la vertu, qui a paru ternie par la calomnie, reçoit ensuite un plus grand éclat, grâce aux obstacles mêmes qu’elle a rencontrés, et s’élève jusqu’au ciel. En effet, peut-on avoir plus de bonheur que n’en a eu ce vertueux jeune homme pour avoir souffert la calomnie, et avoir été entouré d’embûches, pour cela, dis-je, et non pour avoir exercé en Égypte une autorité royale, pour s’y être assis sur le trône ? C’est que toujours les souffrances sont récompensées par la gloire, les éloges et les couronnes. Joseph n’est-il pas, en effet, exalté par toute la terre ? après tant de temps écoulé l’éclat de sa renommée n’a pu se ternir, mais, plus brillantes et plus durables que les statues mêmes des rois, sa vertu et sa sagesse se sont pour ainsi dire élevé leurs statues par tout l’univers, dans l’empire romain et dans les contrées barbares, dans les pensées et dans les paroles de chaque homme. Tous, nous croyons le voir encore vivre prisonnier et esclave, montrer à cette misérable et infortunée courtisane la conduite qu’elle devait tenir, faire tout ce qui dépendait de lui pour son salut, forcer son impudeur à rougir, éteindre sa flamme, s’efforcer de l’arracher à cette terrible tempête et de la ramener par une mer calme jusqu’au port ; ensuite, comme l’orage continuait, que le navire était submergé, et que l’épouse de Pharaon faisait naufrage, fuir les vagues déchaînées, se réfugier sur le roc inébranlable de la chasteté, laisser ses habits dans les mains de l’impudique, paraître dans sa nudité plus brillant que ceux qui sont couverts de vêtements de pourpre, et, semblable à un vaillant guerrier, à un vainqueur triomphant, élever le trophée de la pudeur.