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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/90

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les uns dans le cours de leur âge, les autres avant leur naissance, et cela dans l’un et l’autre Testament ? La seconde question sera traitée tout d’abord ; de la solution que nous en donnerons sortira une lumière qui éclairera la première. Voyons donc ceux qui ont reçu de Dieu leurs noms dès le principe ; remontons jusqu’à l’homme qui, le premier, fut nommé de Dieu. Ainsi ramenées à leur origine, nos questions recevront une solution radicale.
Qui donc a, le premier, reçu de Dieu son nom ? Quel autre, sinon celui qui fut le premier formé par la main divine ? Il n’y avait pas d’homme en effet qui pût nommer le premier homme. Comment donc Dieu nomma-t-il le premier homme ? Adam, nom hébreu, nom étranger à la langue hellénique, et qui signifie : de terre. Le mot Eden aussi veut dire terre vierge ; tel était le lieu dans lequel Dieu planta le Paradis. Dieu, dit la Genèse, planta le Paradis dans l’Eden, vers l’Orient (Gen. 2, 8) : ce qui nous montre que le Paradis n’était pas l’œuvre de la main de l’homme. C’était une terre vierge que, la charrue n’avait pas touchée, ni ouverte en sillon ; une terre qui ne connaissait pas la main du laboureur, mais qui avait produit des arbres, fécondée uniquement par l’ordre de Dieu. De là le nom d’Eden, c’est-à-dire terre vierge, que Dieu, lui donna. Mais cette terre vierge était la figure de la Vierge par excellence. De même, en effet, que la terre d’Eden, sans recevoir aucun germe, vit sortir de son sein le Paradis, asile du premier homme, de même la Vierge Marie, sans recevoir la semence de l’homme, a enfanté le Christ, Sauveur du genre humain. Lors donc que le juif vous dira : Comment une vierge a-t-elle pu enfanter ? répondez-lui Comment une terre vierge a-t-elle produit ces arbres miraculeux du Paradis ? Car, je le répète, le mot Eden signifie en langue hébraïque terre vierge ; si mon assertion laisse un doute à quelqu’un, qu’il interroge ceux qui savent la langue des Hébreux, et il s’assurera que j’interprète comme il faut le mot Eden. Je ne cherche pas à profiter de votre ignorance pour faire passer de faux raisonnements ; non, je tiens à vous munir d’un argument sans réplique, et je raisonne aussi rigoureusement que je ferais en face d’adversaires instruits. L’homme ayant donc été formé de la terre d’Eden, c’est-à-dire vierge, s’appela Adam, du nom de sa mère. Ainsi font les hommes, ils donnent souvent aux enfants les noms de leurs mères. Dieu donc ayant tiré l’homme de la terre, le nomma Adam, du nom de sa mère. Elle se nommait Eden, lui se nomma Adam.
4. Mais quelle utile conclusion tirer de là ? Chez les hommes, lorsqu’on donne aux enfants les noms de leurs mères, c’est pour faire honneur à celles-ci. Mais Dieu, dans quelle vue donna-t-il au premier homme le nom de sa mère ? quel était son dessein ? Grand ou petit, il en avait un ; car il ne fait rien sans motifs, rien au hasard : en tout il agit avec une raison et une sagesse profondes, puisque sa prudence est sans mesure.
Eden veut dire la terre, et Adam, le terrestre, créature sortie de la poussière, née du limon de la terre. Pourquoi donc ce nom-là ? Pour rappeler à l’homme la bassesse de sa nature. Dieu, par cette appellation, avait comme gravé sur l’airain l’humilité de notre nature, afin que ce nom, qui est à lui seul toute une leçon d’humilité, apprît à l’homme à ne pas concevoir de lui-même une trop haute estime. Que nous soyons terre, nous le savons parfaitement, nous, à qui l’expérience l’enseigne tous les jours ; mais Adam n’avait vu mourir personne, et jamais le spectacle d’un cadavre retombant en poussière n’avait frappé sa vue ; son corps était d’une merveilleuse beauté ; il brillait tel qu’une statue d’or sortant du moule. Craignant donc que, ébloui de tant d’éclat il ne s’enflât d’orgueil, il lui donna comme contre-poids à ses brillants avantages, un nom qui serait pour lui une leçon permanente d’humilité. D’ailleurs le diable ne devait pas tarder de l’exciter à l’orgueil, il allait bientôt lui dire : Vous serez comme des dieux. (Gen. 3, 5) Ce nom, qui apprend au premier homme qu’il était terre, Dieu le lui imposait pour éloigner de son esprit l’idée qu’il fût semblable à Dieu ; par ce nom, Dieu prémunissait la conscience de l’homme ; au moyen de cette appellation, il le mettait en garde contre les futurs pièges de l’esprit malin. En effet, faire en sorte que l’homme se souvint de sa parenté avec la terre, lui donner ainsi la juste mesure de sa noblesse, c’était presque lui dire en propres termes : Si quelqu’un vient te dire : tu seras comme Dieu, souviens-toi seulement de ton nom, il t’avertira suffisamment de repousser une semblable pensée. Souviens-toi de ta mère, que ton origine te rappelle le peu que tu es. On ne veut pas t’humilier, mais