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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/131

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De peur que nous n’allions, de propos délibéré, attirer sur nous les mauvais propos des hommes, sous prétexte qu’une récompense est proposée à qui les souffre, il se garde de s’exprimer à cet égard d’une manière absolue, mais il apporte deux conditions : la première, c’est que le mal qu’on dira de nous soit faux ; la seconde, c’est que nous le souffrirons pour l’amour de Dieu. Il leur enseigne de plus, que si les calomnies qu’ils souffriront, ne les empêchent pas d’être heureux, l’estime aussi qu’on fera d’eux leur sera très-avantageuse, puisque la gloire en remontera jusqu’à Dieu. Il relève ainsi leurs espérances pour l’avenir, comme s’il leur disait : Jamais la calomnie de vos envieux ne sera assez puissante pour aveugler de telle sorte les esprits des hommes, qu’ils ne puissent plus découvrir votre lumière. Lorsque vous deviendrez un sel fade et sans force, ce sera alors que vous serez foulés aux pieds par tout le monde. Mais lorsqu’en vivant saintement vous serez en butte à la calomnie, il s’en trouvera toujours plusieurs qui admireront votre vertu, et qui apprendront par votre exemple à rendre à votre Père la gloire qui lui est due. Il ne dit pas, votre Dieu, mais votre père, leur donnant déjà par avance des marques, et comme des gages de cette glorieuse naissance, qui devait les rendre les enfants de Dieu. En outre cette expression marque l’égalité d’honneur qui existe entre le Père et lui ; en effet après avoir dit plus haut : ne vous attristez pas des mauvais propos auxquels vous serez en butte, il vous suffit que vous y soyez exposés à cause de moi, c’est maintenant le Père qu’il met au lieu de lui ; l’égalité des personnes ne saurait être mieux marquée.
Puisque nous voyons, mes frères, que notre zèle sera si heureux, et notre négligence si malheureuse, et qu’elle deviendra d’autant plus criminelle, que le nom de Dieu sera blasphémé à cause de nous, rendons-nous, comme dit saint Paul, irrépréhensibles à l’égard des juifs, des gentils, et de toute l’Église de Dieu, et que toute notre vie soit plus pure et plus éclatante que la lumière du soleil. Que si quelqu’un parle mal de nous, ne nous affligeons pas de ce qu’on nous décrie ; mais seulement de ce qu’on a raison de le faire. Si nous sommes dans le vice, quand personne ne parlerait mal de nous, nous serons les plus misérables de tous les hommes : mais si nous n’abandonnons point la vertu, quand tout le monde s’accorderait à nous charger d’outrages, nous ne laisserons pas d’être les plus heureux de tous les hommes, et nous attirerons de notre côté tous ceux qui penseront sérieusement à leur salut. Ils ne s’arrêteront pas aux médisances des méchants ; mais ils considéreront la pureté de notre vie. Car les actions saintes rendent un son plus perçant que les trompettes les plus éclatantes ; et la pureté des mœurs jette une lumière plus brillanta que les rayons du soleil. Quand il y aurait mille calomniateurs, c’est en vain qu’ils s’efforceraient d’obscurcir un si grand éclat.
Si nous possédons ces vertus dont nous venons de parler ; si nous sommes doux, miséricordieux, humbles, pacifiques, et purs de cœur, si nous ne rendons point injure pour injure, mais si nous nous réjouissons du mal qu’on dit contre nous, il n’est pas douteux que ces vertus ne frapperont pas moins ceux qui les verront, que pourraient faire les plus grands miracles. Tout le monde viendra avec joie se ranger de notre côté. Il n’y aura point d’homme, quelque méchant qu’il puisse être, qui ne fléchisse, quand ce serait une bête farouche, quand ce serait un démon. Que s’il s’en trouve néanmoins quelques-uns qui ne laissent pas de vous déchirer par leurs impostures, ne vous en troublez point. Ne regardez point ce qu’ils disent de vous en public, entrez dans le fond de leur conscience, et vous verrez que lors même qu’ils vous décrient, ils vous estiment, ils vous admirent, et ils vous donnent mille éloges en secret.
Considérez combien Nabuchodonosor loue ces trois jeunes hommes de la fournaise, quoiqu’il fût leur ennemi déclaré. Aussitôt qu’il a éprouvé leur confiance et leur courage, il les loue, il leur offre des couronnes, seulement parce qu’ils avaient été fermes à lui désobéir, et à se tenir inviolablement attachés à la loi de Dieu. Quand le démon voit qu’il ne gagne rien par les calomnies qu’il fait publier contre nous, il se retire de peur de contribuer à augmenter notre couronne. Et quand cet imposteur se retire de ceux qui nous décriaient, quelques méchants et quelque corrompus qu’ils puissent être, ils reconnaissent enfin notre vertu, et ce nuage dont elle était couverte, se dissipe en même temps. Que si les hommes se refusent opiniâtrement à vous rendre justice, la récompense et la gloire que Dieu vous garde n’en seront que plus grandes.