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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/137

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parce qu’il ne gardait pas le sabbat, il a bien voulu leur ôter ce soupçon, tantôt par des raisons proportionnées à sa divinité, comme lorsqu’il dit : « Mon Père, depuis le commencement du monde jusqu’aujourd’hui ne cesse point d’agir, et moi j’agis aussi avec lui. » (Jn. 5,17) Tantôt par d’autres pleines d’une admirable condescendance, comme lorsqu’il leur apporte l’exemple de la brebis qui est en danger de périr au jour du sabbat et qu’il montre qu’on viole la loi pour empêcher une bête de mourir. Il y joint encore l’exemple de la circoncision qu’on donnait aussi au jour du sabbat. C’est pour cette même raison qu’il use souvent de termes si humbles, afin d’ôter aux hommes tout sujet de le regarder comme un ennemi de Dieu. C’est dans ce dessein qu’ayant tant de fois ressuscité les morts par sa seule parole, il voulut avant que de ressusciter Lazare, adresser sa prière à son Père. Et pour montrer en même temps que cette déférence ne le rendait point inférieur à son Père, il ajoute aussitôt pour prévenir cette pensée « Je dis ceci pour ce peuple qui nous environne, afin qu’ils croient que c’est vous qui m’avez envoyé. » (Jn. 11,42) Ainsi par un mélange admirable, il ne se conduit pas car toutes choses comme ayant une souveraine puissance, afin de guérir ainsi leur faiblesse, et il ne prie pas aussi son Père toutes les fois qu’il fait des miracles, afin de ne donner sujet à personne de le soupçonner de faiblesse et d’impuissance, mais il allie divinement sa grandeur avec son humilité et son humilité avec sa grandeur.
Il use encore de ce même tempérament en diverses rencontres, avec une sagesse admirable. Car, agissant dans les plus grandes choses par lui-même et par sa propre puissance, il lève les yeux au ciel et il prie son Père dans celles qui sont beaucoup moindres. Lorsqu’il remet les péchés, qu’il révèle les secrets des cœurs, qu’il ouvre le paradis, qu’il chasse les démons, qu’il guérit les lépreux, qu’il calme la mer, qu’il ressuscite une infinité de morts, il le fait en commandant. Mais lorsqu’il fait d’autres actions beaucoup moindres, comme de multiplier des pains, il regarde alors vers le ciel. Lors donc qu’il s’adressait à son Père et qu’il priait, il faisait bien voir que ce n’était pas par faiblesse et par impuissance. Car comment celui qui faisait les plus grandes choses par son autorité propre, eût-il eu besoin de prier pour en faire de plus petites ? Mais comme j’ai déjà dit, il agit de la sorte pour fermer la bouche à ses ennemis et pour arrêter leur insolence.
Raisonnez de même lorsque vous voyez dans l’Évangile que Jésus-Christ parle humblement de lui-même. Il gardait cette conduite dans ses paroles et dans ses actions pour plusieurs raisons, parce qu’il voulait empêcher qu’on ne le crût étranger à Dieu ou pour instruire et guérir nos âmes : ou pour nous donner un grand exemple d’humilité, ou parce qu’il était revêtu de notre chair, ou parce que les Juifs n’auraient pu comprendre les vérités, s’il les leur avait dites toutes ensemble ; ou enfin pour leur apprendre, en se rabaissant de la sorte, à fuir la présomption et la vanité dans tous leurs discours.
2. C’est pour ce sujet que parlant souvent si humblement de lui-même, il laisse à d’autres le soin de publier ses grandeurs il se contente de dire aux – Juifs : « J’étais avant qu’Abraham « fût au monde. » (Jn. 8,58) Mais son disciple bien-aimé va bien plus loin, et il dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe p était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. » (Jn. 1,1). Jésus-Christ de même ne dit point clairement qu’il a créé le ciel et la terre, la mer et toutes les choses visibles et invisibles mais son disciple le dit sans rien craindre, et avec une liberté merveilleuse ; et il le dit plus d’une fois « Toutes choses (ibid. 3) », dit-il, « ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait, n’à été fait sans lui. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui. » ( 10)
Et pourquoi s’étonner que les autres aient parlé plus avantageusement de Jésus-Christ qu’il n’en a parlé lui-même ; puisque souvent il n’a pas voulu exprimer nettement par ses paroles, ce qu’il faisait voir clairement par ses actions ? Car il montre assez dans la guérison de l’aveugle-né, que c’était lui qui avait créé l’homme, et néanmoins lorsqu’il parle de cette première création, il ne dit pas : « J’ai créé l’homme et la femme », mais « Celui qui a créé l’homme et la femme (Mt. 14,4) ; » et le reste. Il fait voir de même par là pêche des poissons ; par l’eau qu’il a changée en vin ; par les pains qu’il a multipliés ; par la mer qu’il a calmée ; par la radieuse splendeur dont il se fit voir entouré au mont Thabor ; et par plusieurs miracles semblables, que c’est lui