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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/143

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qu’il ne peut pas être bon. Ils feignent ensuite un autre Dieu qui ne fut jamais et qui ne créa jamais rien, qu’ils disent être le Père de Jésus-Christ. Celui qu’ils nient être bon, demeure selon eux dans ce qu’il a créé, comme dans un bien qui lui appartient et qu’il conserve ; et l’autre à qui ils donnent le nom de bon, vient tout d’un coup usurper l’héritage de l’autre, et entreprend d’être le Sauveur de ceux dont il n’est pas le Créateur. Voyez-vous les fils du démon, comme ils puisent leur langage à la source de leur père, puisqu’ils ôtent à Dieu la création qui lui est propre, quoique saint Jean crie : « Il est venu dans son domaine « et le monde a été fait par lui ? » (Jn. 1,11)
Ils examinent ensuite l’ancienne loi qui dit : « Œil pour œil, et dent pour dent. » Ils s’emportent contre ces paroles et demandent comment celui qui les a dites, a pu être bon. Que répondrons-nous à cela, sinon que ces préceptes sont en effet pleins de bonté ? Car le législateur n’ordonne pas cela afin que nous nous entr’arrachions les yeux, mais afin que la crainte de souffrir ce mal, nous empêche de le faire aux autres. Comme lorsqu’il a menacé les Ninivites de renverser leur ville, il n’avait pas résolu de le faire, puisque, pour l’exécuter, il n’avait qu’à les punir sans les menacer, mais il voulait seulement les effrayer, afin que par leur pénitence ils apaisassent sa colère. De même-ici, par cette perte d’un œil dont il menace ceux qui arracheraient celui de leur frère, il veut retenir par le frein de la crainte ceux qui ne se laisseraient pas gouverner à la raison et à l’humanité. Il faudrait donc avoir perdu l’esprit et être furieux, pour dire qu’il y a de la cruauté à arrêter l’homicide, et à réprimer l’adultère.
Pour moi je suis si éloigné de trouver qu’il y ait de la cruauté dans cette loi, que je trouverais de l’injustice dans la disposition contraire. Vous dites que Dieu est cruel, parce qu’il commande d’arracher œil pour œil, et moi je vous dis que, s’il n’avait fait ce précepte, plusieurs auraient dit de lui ce que vous en dites. Car supposons que toute la loi soit détruite, que personne n’ait plus rien à craindre de ses châtiments, qu’il soit libre à tous les méchants de satisfaire sans crainte leurs passions ; qu’ils pussent voler, tuer, être parjures, être adultères et parricides ; n’est-il pas vrai que tout serait dans une confusion étrange, et que toutes les places, toutes les villes, toute la terre et la mer seraient remplies de meurtres et de toutes sortes de crimes ? Si lors même que les lois sont en vigueur, et qu’elles répandent la terreur et les menaces, les méchantes âmes ont peine à se réprimer ; que serait-ce sans ce secours, et qui pourrait arrêter leurs excès ? Avec quelle insolence ne se déchaîneraient-elles pas contre nos personnes et contre nos vies ?
Mais il n’y aurait pas seulement de la cruauté à permettre aux méchants tout ce qu’il leur plairait de faire ; il n’y en aurait pas moins à négliger celui qui, sans faire aucun tort, aurait été injustement outragé par les autres. Si quelqu’un assemblait tout ce qu’il pourrait trouver de libertins et d’assassins, qu’il leur mit les armes à la main, et leur commandât de tuer dans toute la ville ce qui se présenterait à eux, cet homme ne passerait-il pas pour un monstre en cruauté et en barbarie ? Et si quelque autre au contraire liait toutes ces personnes que ce furieux aurait armées, et délivrait de leurs mains ceux qu’ils allaient égorger, cet homme ne passerait-il pas pour un conservateur de la paix et de la sûreté publique ? Appliquez cet exemple à notre sujet. Celui qui commande de donner œil pour œil, retient comme par de fortes chaînes la violence des méchants, et est semblable à celui qui arrêterait ces furieux à qui l’on aurait donné des armes ; et celui qui n’établissant aucune peine, met par cette impunité comme les armes aux mains de tout le monde, imite celui qui assemblerait ces libertins, et les armerait pour mettre à feu et à sang toute la ville.
7. Reconnaissez donc que l’auteur de cette ancienne loi non seulement n’est pas cruel, mais qu’il est même plein de bonté. Si vous dites que son joug est insupportable, et que cette sévérité de donner œil pour œil, va jusqu’à l’excès ; je vous demande qui des deux vous paraît plus dur de défendre de ne point tuer, ou de ne pas se mettre même en colère ? Qui est le plus sévère de celui qui punit l’homicide, ou de celui qui venge le moindre emportement contre son frère ? De celui qui condamne l’adultère lorsqu’il est commis, ou de celui qui en condamne même le désir, et qui le condamne à un supplice éternel ?
Ainsi voyez où retombent les raisonnements de ces hommes. Le Dieu de l’Ancien Testament qu’ils appellent cruel, paraîtra doux et modéré et le Dieu du Nouveau Testament qu’ils