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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/190

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« Vous ouvrez votre main, et vous remplissez de bénédiction tout ce qui a vie. » (Ps. 144, 5. 16) Et ailleurs : « Dieu donne aux animaux et aux petits des corbeaux, la nourriture qu’ils lui demandent. » (Ps. 146,16)
Vous me direz, peut-être, quel est l’homme qui puisse s’exempter de ces soins ? Ne vous souvenez-vous point de tant de justes que je viens de vous nommer ? Ne savez-votas pas encore que le patriarche Jacob sortit nu de son pays et qu’il dit : « Si le Seigneur me donne du pain pour manger et des habits pour une « couvrir », etc. (Gen. 28,20) Ce qui marque assez qu’il n’attendait point sa nourriture de ses soins, mais de Dieu seul. C’est ce que les apôtres ont fait depuis en quittant tout et ne s’inquiétant de rien. On a vu ces cinq mille personnes ensuite, et ces trois mille autres pratiquer la même chose. Si après toutes ces raisons et tous ces exemples, vous ne pouvez vous résoudre à vous décharger de ces soins qui sont comme des chaînes qui vous accablent ; reconnaissez au moins combien ils vous sont inutiles, et que cette inutilité vous porte à vous en dégager. « Car qui est celui d’entre vous qui puisse avec tous ses soins ajouter à sa taille naturelle la hauteur d’une coudée (27) ? » Il se sert de la comparaison d’une chose claire, pour en faire comprendre une qui est obscure et cachée. Comme avec tous vos soins, dit-il, vous ne pouvez faire croître votre corps, vous ne pouvez de même avec toutes vos inquiétudes, quelque nécessaire que vous les croyiez, vous assurer votre nourriture. Ceci nous fait donc voir que ce ne sont point nos soins particuliers, mais la seule providence de Dieu qui fait tout dans les choses mêmes où nous paraissons avoir plus de part : que si Dieu nous abandonnait, rien ne nous pourrait soutenir ; et que nous péririons avec tous nos soins, toutes nos inquiétudes, et tous nos travaux.
4. Ne disons donc point, mes frères, que ces commandements de Dieu sont au-dessus de nos forces, et impraticables. Il y a encore aujourd’hui, par la miséricorde de Dieu, plusieurs personnes qui les accomplissent. Si vous l’ignorez, je ne m’en étonne pas, puisque Eue croyait être seul, lorsque Dieu lui dit : « Je me suis réservé sept mille hommes, qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. » (1R. 8,13) Cet exemple doit nous convaincre qu’il y en a encore aujourd’hui qui mènent une vie apostolique, et qui imitent les premiers chrétiens, dont il est parlé dans les Actes. Si nous ne le croyons pas, ce n’est pas que cette vertu si excellente ne se trouve encore en plusieurs ; mais c’est qu’elle est trop disproportionnée à notre faiblesse et à notre esprit. Nous sommes semblables en cela à un homme sujet au vin, qui ne peut croire qu’il y en ait qui non seulement n’en boivent point, mais qui ne boivent même de l’eau qu’avec réserve et avec mesure, comme tant d’excellents solitaires dans les déserts ; ou bien nous ressemblons à un impudique qui ne peut croire qu’on puisse vivre dans le célibat, et demeurer toujours vierge ; ou à un voleur qui accoutumé à ravir le bien d’autrui, ne peut comprendre comment on peut donner aux autres le sien propre. C’est ainsi que ceux qui sont déchirés tous les jours de mille soins, ne peuvent croire qu’il y en ait plusieurs qui en soient exempts, et qui vivent dans une profonde paix.
Il nous serait donc aisé de faire voir, par l’exemple de ceux dont la vie est encore aujourd’hui conforme à cette règle qui nous est prescrite dans l’Évangile, combien de chrétiens ont suivi autrefois cet excellent précepte de Jésus-Christ. Mais pour vous, mes frères, il vous suffit d’abord d’apprendre à n’être point avares, de savoir que l’aumône est une vertu très agréable à Dieu, et que vous devez faire part de vos biens aux pauvres. Ces premières pratiques de piété vous conduiront peu à peu à un plus haut degré de vertu. Commençons donc par retrancher ces magnificences superflues ; contentons-nous d’une juste médiocrité, et ne pensons à acquérir du bien, que par un travail et un emploi légitime.
Nous voyons que saint Jean ne recommandait d’abord aux publicains et aux soldats, que de se contenter de leurs gages. Son zèle eût bien voulu passer plus loin, et les élever à une plus haute perfection ; mais comme ces hommes n’en étaient pas encore capables, il use de condescendance et se contente de leur proposer ces avis pour ainsi dire tout élémentaires ; s’il avait voulu leur donner les enseignements les plus hauts, ils n’auraient pas même tenté de suivre ceux-ci, et ils auraient peut-être encore manqué à ceux-là. C’est ainsi que nous tâchons de vous faire entrer d’abord dans les exercices les plus bas et les plus faciles de la vertu. Nous savons que l’état des parfaits qui renoncent à tout et qui ne possèdent rien, est au-dessus de