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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/221

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loi, pour ôter tout prétexte à la médisance de ses envieux. Et afin qu’on ne pût pas dire de lui qu’il ravissait aux prêtres l’honneur qui leur était dû, après avoir guéri ce lépreux, il le leur renvoie, pour leur laisser le discernement de cette guérison, et les rendre juges de ses miracles. II semble qu’il dise : Je suis si éloigné de m’opposer ou à Moïse, ou aux prêtres de la loi, que je porte même ceux que je guéris à leur obéir en toute chose.
3. Mais examinons ce que veut dire cette parole : « afin que ce leur soit un témoignage ;» c’est-à-dire, afin que cette guérison soit la conviction de leur malice, et qu’elle soit leur condamnation s’ils veulent toujours être ingrats et rebelles à la vérité. Comme ils me veulent faire passer pour – un séducteur, et qu’ils me persécutent comme un ennemi de Dieu et le violateur de la loi, vous me servirez un jour de témoin contre eux, que je ne l’ai point violée, puisqu’après vous avoir guéri, je vous renvoie aussitôt au prêtre : ce qui est le fait d’un homme qui honore la loi, qui a de la déférence pour Moïse, bien loin qu’il soit hostile aux anciennes croyances. Que si d’ailleurs Jésus-Christ prévoyait que cette exacte observance de la loi ne lui servirait de rien à l’égard des Juifs, nous pouvons juger par là même quelle estime il en faisait, puisque la prévision qu’il avait de l’inutilité de ses soins, ne l’empêchait pas de faire tout ce qui dépendait de lui. Il savait bien que ce soin serait sans effet. C’est pourquoi il dit que ce miracle leur sera non une instruction, ou un avis qui les redressera ; mais « un témoignage » qui les condamnera et les confondra : un témoignage, dit-il, qui leur prouvera que c’est de moi que vous avez tout reçu. Je prévois que ce ménagement sera inutile, mais je ne veux pas laisser d’être exact à ne rien omettre de ce que je dois faire, quoique je sois certain qu’ils demeureront dans leur opiniâtreté et dans leur endurcissement. Il dit la même chose ailleurs : « Cet Évangile sera prêché dans tout le monde pour servir de témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la consommation de toutes choses. » (Mt. 26,43) A quelles nations servira-t-il de témoignage ? à celles qui n’obéiront pas, et qui ne consentiront pas à l’Évangile. Car afin que personne ne pût dire : pourquoi prêchez-vous à tout le monde, puisque tout le monde ne doit pas croire votre parole ? Je le fais, dit-il, afin qu’on reconnaisse que j’ai fait ce que je devais, et que personne ne puisse se plaindre de n’avoir point entendu prêcher mon Évangile. Cette prédication répandue dans toute la terre sera un témoignage qui convaincra les infidèles, et personne ne pourra dire : nous n’avons point entendu ces vérités n puisque « le bruit s’en est répandu « jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ps. 18,3)
Travaillons donc, mes frères, à accomplir exactement, à l’imitation de Jésus-Christ, ce que nous devons à notre prochain, et à rendre à Dieu de continuelles actions de grâces. Car ce serait une étrange ingratitude de recevoir tous les jours tant d’effets de sa bonté, et de ne pas lui en témoigner notre reconnaissance, sinon par nos actions, au moins par nos paroles et par nos cantiques, et cela lorsque ces actions de grâces ont pour nous de si grands avantages. Dieu n’a nul besoin de nous ; mais nous avons infiniment besoin de lui. L’action de grâces que nous lui rendons n’ajoute rien à ce qu’il est, mais nous sert à l’aimer davantage, et à avoir plus de confiance auprès de lui. Car si le souvenir des biens que nous avons reçus des hommes, nous porte à les aimer avec plus d’ardeur, il est hors de doute que si nous repassons souvent dans notre esprit les grâces dont Dieu nous a comblés, nous nous sentirons plus prompts et plus ardents à lui obéir.
Aussi saint Paul nous donne cet avis si important : « Soyez reconnaissants. » (Col. 3,15) En se souvenant des bienfaits de Dieu on se les assure, et la continuelle action de grâces est la garde fidèle de toutes les grâces. C’est pourquoi nos mystères si terribles et si salutaires tout ensemble, qui se célèbrent dans toutes les assemblées de l’Église, s’appellent « Eucharistie » : c’est-à-dire, action de grâces, parce qu’ils sont le monument d’une infinité de dons que Dieu nous a faits, et du plus grand de tous ces dons, et que nous y trouvons toujours de nouveaux sujets de renouveler nos sentiments de gratitude et de reconnaissance. Si c’est un miracle prodigieux qu’un Dieu soit né d’une vierge, et si l’Évangéliste même n’en parle qu’avec admiration, lorsqu’il dit par ces paroles courtes, mais pleines de sens : « Tout cela s’est fait, etc. (Mt. 1,22), »que devons-nous dire de sa mort même ? Si l’Évangile dit seulement de sa naissance que c’était « tout ; » que dirons-nous de ce qu’il a bien voulu être crucifié, qu’il a répandu son